L’église du Graal de l’abbé Gillard dans la forêt de Brocéliande

Tipeee pour la Gazette de RLC

La Porte du Ciel avant l’église du Graal

Vers l’église du Graal !

« Tout lieu possède son originalité. Certains d’entre eux, appelés hauts-lieux, sont ainsi nommés […] parce qu’ils dégagent une sorte d’énergie spirituelle qui les rend aptes à devenir des lieux de méditation et d’éveil pour ceux qui les fréquentent. On pourrait dire qu’ils sont de « qualité divine ». Les Vieux Romains disaient déjà que certains lieux où l’on se sent enveloppé d’une mystérieuse présence étaient habités par une entité qu’ils appelaient le génie du lieu. » (Auguste Coudray, Voyage par des sentiers perdus)

C’est en pèlerin que je suivis les pas de Pierre Plantard de Saint Clair. Et mon pèlerinage me ramena tout naturellement au pays de Brocéliande où Pierre Plantard passa une partie de sa jeunesse au Manoir du Tertre, sous l’égide, nous le savons maintenant, de Geneviève Zaepffel dont je vous conseille la biographie de Kris Darquis et les liens tissés entre la prophétesse et le futur Grand Maitre du Prieuré de Sion.

Brocéliande… pays des légendes arthuriennes… pouvait-on imaginer meilleur endroit pour y passer son enfance ? Ici, le temps n’a pas de prise. Histoire et légendes se mêlent pour nous replonger dans nos racines, nous rapprocher de nos ancêtres, aux temps où nous vivions encore en harmonie avec notre mère, la Terre…

Traversant les landes désertes, je fus comme reconnecté en un instant avec nos origines. La présence de l’homme était ici discrète, moins envahissante… Le lien fragile entre l’homme et la nature n’était pas encore rompu et on sentait, qu’en ce lieu, opérait toujours la magie des anciens. En cet endroit privilégié, tout pouvait arriver et la frontière avec l’Autre Monde était si mince que l’imprudent aurait pu la franchir sans même le réaliser… Seuls les chants des oiseaux me sortaient de ma torpeur. Je reconnus alors en eux les messagers de celle que j’étais venu chercher…

Mais je fus vite rappelé à la réalité : à ces chants se mêlait à présent la douce plainte de la terre. Tels des clous plantés dans la chair de leur Christ rédempteur, les croix et calvaires, innombrables, graines de la folie dévastatrice des hommes, me rappelaient le mal qu’ils avaient répandu sur la terre. Ils avaient renié leur mère puis s’en étaient pris à leurs frères. Au nom de quel Dieu pouvait-on justifier autant de cruauté ?

Je baissai la tête humblement tandis que la forêt s’ouvrait devant moi pour m’inviter à entrer et rencontrer la gardienne de ces lieux. Me jugerait-elle digne de connaître ses secrets ou me condamnerait-elle au contraire au nom de ses persécuteurs ?

Qui a pénétré la forêt de Paimpont en garde un souvenir impérissable. Nulle autre forêt ne ressemble à celle-ci. Chênes et hêtres rivalisent ingénieusement pour arriver à percer la canopée. Qui peut dire combien de générations d’hommes ils ont vu. Le contraste avec les landes est frappant. La forêt s’étend à perte de vue. Pas étonnant qu’on ait choisi ce lieu pour correspondre avec la forêt de Brocéliande des légendes arthuriennes…

Et voilà que soudain, une ombre enveloppa la forêt. Elle passa aussi vite qu’un souffle brûlant se répandit tout alentour. Je crus distinguer un bref moment le Serpent Rouge… Me poursuivait-il ? Mais il s’agissait cette fois d’un dragon… rouge, terrible et majestueux. Je m’attendais à voir aussitôt surgir un deuxième dragon, blanc, quant à lui ! Je savais que de la rencontre des deux résulterait un épouvantable combat à mort dans lequel Merlin avait vu, autrefois, la perte du roi Vortigern et l’avènement d’Uther Pendragon, le père du fameux roi Arthur. Le dragon rouge figure aussi sur le drapeau du Pays de Galles, comme pour nous rappeler que la légende d’Arthur est originaire de Cornwall et du Pays de Galles, partageant avec la Bretagne armoricaine, leur voisine, ce qu’on appelle la « Matière de Bretagne ». La tradition chrétienne prétend également que ce sont sept saints qui sont à l’origine de la fondation du duché de Bretagne : saint Malo, saint Brieuc, saint Samson, saint Paterne, saint Corentin, saint Pol Aurélien et saint Tugdual. Or, cinq de ces saints étaient originaires du Pays de Galles ou de ses environs…

C’est encore le Pays de Galles qui nous envoie Saint Aaron au VIe siècle. Il s’installera dans une petite île en face d’Aleth. L’île de saint Aaron, qui n’en sera plus une, deviendra alors la cité de Saint-Malo.

Aleth ai-je dit ? Quand on veut étudier l’Histoire, il faut aussi s’intéresser à la Géographie. La toponymie d’un lieu est particulièrement riche en enseignement. Elle nous en dit généralement long sur son passé pour qui prend la peine de l’étudier.

Si l’on compare la Bretagne et le Languedoc, par exemple, cette toponymie est très évocatrice d’un passé commun aux deux régions. Nul doute qu’un même peuple (on a parlé des Redones) a foulé le sol de ces deux contrées pourtant éloignées et a su préserver entre elles un lien particulier tout au long de son histoire. On pourrait même dire que l’une est le miroir de l’autre. En effet, on trouve nombre d’occurrences en haut comme en bas : Aleth et Alet-les-Bains, Rennes et Rennes-le-Château mais aussi Rennes-les-Bains (jumelée justement à Rennes en Ile-et-Vilaine), Rennes-les-Bains et Bains-sur-Oust (« Bain » à l’origine), Redon et Montredon, Rieux et Rieux-Minervois, le Sal et la Sals, Sarzeau qui est l’anagramme de « Au Razès » pour Patrick Ferté et Rezé par rapport au Razès… Certes la comparaison peut sembler facile et le jeu s’y prête bien… Mais qui mieux que les anciens possédaient une connaissance des hauts lieux telluriques ? Jean et Michel Angebert nous rappellent, à cette intention, que « le pays d’Oc était, avec l’Armorique, la terre élue des druides » (Hitler et la tradition cathare).

Cette « Matière » dont Henri II Plantagenêt fut l’un des fervents promoteurs à travers, notamment, les romans arthuriens. L’empire Plantagenêt, à son apogée, s’étendait alors à la Bretagne et à l’Anjou, toutes deux reliées, dans la légende, au lignage du Graal. Les Plantagenêts étaient-ils, comme ils le prétendaient, les héritiers d’Arthur ? Sous l’impulsion d’Henri II, Glastonbury deviendra même le lieu de repos de Guenièvre et d’Arthur… dans cette même abbaye où la tradition nous dit que Joseph d’Arimathie fut le premier évêque.

Joseph d’Arimathie aurait apporté le Graal lors de sa venue en Gaule avec la « fratrie de Béthanie » et aurait ensuite fondé l’Eglise orthodoxe celte. Le Graal deviendra alors l’objet de quête de tous les chevaliers de la Table ronde ! Et c’est à Brocéliande qu’ils viendront le chercher…

Saint Michel qui s'y frotte et terrasse le dragon proche de l'église de l'abbé Gillard
Ici, c’est saint Michel qui s’y frotte – Hemeac ©

Il s’agit d’un vitrail de l’église Saint-Pierre de Sérent, ville dans laquelle, selon une légende, sévissait une bête monstrueuse, la Drague, avant qu’elle ne fût tuée par l’un des seigneurs de Sérent.

La tradition, toujours, prétend que Joseph d’Arimathie aurait séjourné quelques temps dans la forêt de Brocéliande. Et l’abbé Gillard, dont nous reparlerons, dira de lui : « Muni de ce qui constituait son unique trésor, il s’en alla évangéliser les Bretons, il traversa la forêt de Brocéliande avec le Saint-Graal. » (Abbé Gillard, “Vérités et légendes de Tréhorenteuc”)

Curieusement, Jean Markale (considéré comme l’héritier spirituel de Gillard) relèvera non sans humour une remarque que lui fit Geneviève Zaepffel lors de sa visite au Manoir du Tertre : « […] elle me montra avec enthousiasme le superbe escalier en bois du XVIIe siècle qui s’y trouve en me disant : “Monsieur, c’est sur cet escalier que Joseph d’Arimathie, venant de Palestine et se dirigeant vers la Bretagne, est passé en tenant le Saint-Graal entre ses mains”. »… (Jean Markale, “Brocéliande et l’énigme du Graal”)

A la recherche de l'église du Graal : L'escalier en bois vu à travers le miroir où Geneviève Zaepffel eut également sa vision de Judicaël
L’escalier en bois vu à travers le miroir où Geneviève Zaepffel eut également sa vision de Judicaël – Hemeac ©

Il existe encore d’autres traditions qui affirment que Jésus aurait accompagné, enfant, Joseph d’Arimathie en Grande-Bretagne. – Cela me rappelait une histoire que j’avais rencontrée alors à Redon, que j’avais quittée peu de temps auparavant : cette histoire repose en fond sur une vieille rivalité existant entre les villes de Redon et de Rieux, cette dernière reprochant à l’abbaye de Redon de lui avoir fait de l’ombre. Elle disait que l’enfant Jésus avait été chassé de Rieux par les « méchantes lavandières » et qu’il trouva refuge à Redon où il fut bien accueilli… –

Jésus y aurait rencontré certains druides… Ne disait-on pas de lui qu’il était le Grand Druide Galiléen ? On peut aussi imaginer qu’il rendait simplement visite à sa grand-mère maternelle, Anne, dont les Bretons ont fait leur patronne. Elle serait revenue terminer sa vie en Bretagne… Derrière sainte Anne, on devine bien sûr la Grande Déesse Mère des Celtes, Dana ou Ana.

J’interrompis brusquement mes pensées. Je venais d’arriver à destination. Je reconnus alors la verdoyante colline sur laquelle se dressait fièrement le manoir de la médium.

Le manoir du Tertre de Geneviève Zaepfell, la médium
Le manoir du Tertre – Hemeac ©

L’abbé Gillard et son église du Graal

Je resongeai alors à Geneviève Zaepffel… Elle était en étroite relation avec tous les abbés du coin. A quelques kilomètres, de l’autre côté de la forêt, vivait l’abbé Henri Gillard, recteur de Tréhorenteuc. Zaepffel le connaissait bien : celui-ci, vivant pauvrement, elle venait régulièrement lui apporter un panier de provisions. Or, notre abbé n’était pas un homme ordinaire. D’ailleurs, Brocéliande n’aurait pas, aujourd’hui, le visage qu’on lui connaît sans les efforts de ce singulier personnage. Car, s’il fut en ce XXe siècle un chevalier du Graal, ce fut bien indubitablement Henri Gillard !

Comment vous présenter ce personnage ?… L’abbé Gillard… et son église du Graal…

Statue en hommage de l'abbé Gillard devant l'église du Graal
Statue en hommage de l’abbé Gillard devant l’église du Graal – Hemeac ©

Pour faire écho à Rennes-le-Château, certains ont cru bon de le comparer à l’abbé Saunière. Certes, la démarche de ses deux abbés peut sembler similaire. En effet, les deux ont rompu avec certaines traditions religieuses pour s’engager dans une autre voie. On ne parle pas de Bérenger Saunière sans évoquer sa curieuse église. Pour Henri Gillard, il en va de même : son « église du Graal » fait la curiosité de Tréhorenteuc. Mais ici, les motivations ne sont pas les mêmes…

L’abbé Gillard, donc, est né en 1901, à Guégon, dans le Morbihan. Il est ordonné prêtre en 1924. Il fut d’abord professeur avant d’être vicaire. Jusque-là, rien d’extraordinaire… C’est à partir de 1942 que notre abbé va commencer à se faire remarquer. De 1942 à 1962, l’abbé est nommé recteur de Tréhorenteuc. Tréhorenteuc est alors loin d’être un endroit attrayant pour un abbé comme Henri Gillard. La population est désespérément faible (la commune est en effet la moins peuplée du département) et sa paroisse est considérée comme le « pot de chambre du diocèse » (Elisabeth Cappelli & Alain Gérardin, “L’église du Graal”). Et que dire de l’église ? Pour le coup, on peut imaginer la même déconfiture sur le visage de l’abbé Gillard que sur celui de l’abbé Saunière découvrant l’église de Rennes-le-Château !

Mais notre abbé ne se laisse pas démonter et entreprend lui-même la restauration de cet édifice délabré. Comment s’y prend-il ? Il retrousse ses manches et se met à la tâche ! Il travaille ardemment et vide ses poches pour financer les travaux de rénovation de son église. Mais l’abbé est pauvre et les fonds viennent vite à manquer. Qu’à cela ne tienne ! Henri Gillard fera appel aux bonnes volontés. Et s’il le faut, il réquisitionnera ! C’est un homme déterminé et autoritaire. Il recrutera également deux prisonniers de guerre, par la suite, qui s’attèleront à l’ornementation et la décoration de l’église. Ils laisseront leurs souvenirs figés dans les traits de certains personnages de leurs représentations… Quelques dons bienvenus aideront aussi à l’œuvre de l’abbé. Ainsi, Eugénie Bohelay, sa marraine, lui fera don de l’héritage de son fils, tué pendant la guerre. En remerciement, Henri Gillard la fera représenter au bas du grand vitrail du chœur.

Cette façon de procéder rappelle un autre abbé, l’abbé Gérard, du village belge de Crupet qui compta sur les fonds et le travail de ses paroissiens pour ériger une immense grotte dédiée à saint Antoine de Padoue avec caché au sommet et à l’arrière un diable évoquant étonnamment celui de l’église de Rennes-le-Château… Il est connu sous le nom de diable de Crupet !

Au centre de la scène, nous redécouvrons Joseph d’Arimathie aux pieds du Christ. La coupe verte est bien sûr le Graal, thème majeur de l’église.
Le grand vitrail et son importance symbolique – Hemeac ©
Au centre de la scène, nous redécouvrons Joseph d’Arimathie aux pieds du Christ. La coupe verte est bien sûr le Graal7, thème majeur de l’église.

Tout le monde connaît cette histoire de pierre tombée du ciel… On doit la christianisation du thème du Graal à l’Evangile apocryphe de Nicodème. Cette pierre était l’émeraude (d’où sa couleur verte) qui s’était détachée du front de Lucifer qu’elle ornait, au moment de la chute de l’ange. Adam et Eve qui la recueillirent lors de leur expulsion du paradis, la transmettent à leurs descendants. Elle finira dans les mains de Joseph d’Arimathie qui la fera tailler en forme de coupe. Coupe qui servira enfin à recueillir le sang du Christ.

Je laisserai le soin à Jean Markale de nous décrire l’église de Tréhorenteuc : « L’église de Tréhorenteuc est un monument exceptionnel. Sans grande valeur architecturale, bâtie de schiste rouge, restaurée à plusieurs époques, cette église est en effet un véritable petit musée de la Table Ronde et du Saint-Graal. Le petit porche latéral sud est surmonté de cette étrange inscription : « la porte est en dedans ». C’est une invitation à ne pas se contenter des apparences et à aller toujours au plus profond des réalités essentielles. C’est dire le souci manifeste de donner à l’ornementation intérieure un sens symbolique. » (“Brocéliande et l’énigme du Graal”)

La modeste "église du Graal" - Hemeac ©
La modeste “église du Graal” – Hemeac ©

Intérieur de l'église du Graal
L’intérieur de l’église où se mêlent christianisme, légendes arthuriennes et traditions celtiques… – Hemeac ©

Mais qu’est-il passé par la tête de l’abbé ? Pourquoi se mettre à dos l’Eglise en transformant le temple de Dieu en sanctuaire païen (ce qui semble un juste retour des choses, non ?) ? En bousculant les conventions religieuses habituelles ?

Il semble bien que la magie du pays de Brocéliande opère quelques transformations dans les consciences de ses habitants, quand bien même ceux-ci sont des prêtres… L’abbé Gillard semble, en effet, avoir été en contact avec un petit cercle d’autres abbés aux motivations, on va dire, pas toujours très catholiques…

L'invitation à entrer de l'abbé Henri Gillard dans l'église du Graal
L’invitation à entrer de l’abbé Henri Gillard – Hemeac ©

Henri Gillard était un visionnaire. Nul doute que Tréhorenteuc serait demeurée dans l’ombre sans son action. Face au désespoir d’attirer de nouvelles ouailles dans son église désertée, il eut une idée : exploiter le légendaire de Brocéliande… Et voilà que notre abbé s’active comme un diable (!) pour redonner vie aux légendes arthuriennes entourant la forêt. Par chance, Tréhorenteuc est nichée au cœur des légendes, tout près de ses fées et de ses chevaliers…

En effet, accolée à la petite commune, le Val sans retour et ses nombreuses histoires accueillent les nombreux touristes et curieux venant chaque année découvrir la richesse du pays. N’est-ce pas dans le Val sans retour (ou la Vallée du Rauco) que la fée Morgane emprisonne les hommes infidèles ? Ne peut-on pas traverser le Miroir aux fées pour parvenir à l’Autre Monde ? N’y trouve-t-on pas encore le Siège de Merlin ou l’Hostié de Viviane (autrefois le « Puits sainte Catherine ») ?

La fontaine de Barenton, proche de la commune de Concoret participe aussi de la réputation de sorciers des habitants de cette ville. Son personnage le plus représentatif étant un certain Eudon dit Eon de l’Etoile, né dans la paroisse de Concoret, vers le XIIe siècle. On sait peu de choses de sa vie sinon qu’il fut moine et qu’il se mit soudain à prêcher une religion toute autre, entraînant dans son « hérésie » ses frères du prieuré du Moinet.

L’ancien nom de la fontaine aurait été Belenton, ce qui est la contraction de Bel-Nemeton, la « clairière sacrée de Bel », Belenos étant l’une des manifestations divines des Celtes.

Le lac de la fée Viviane à Concoret à côté du château de Comper
Le lac de la fée Viviane à Concoret à côté du château de Comper – Hemeac ©

On donna un nom à cette « hérésie » : l’Eonisme ou l’Etoilisme. Nul ne peut dire à quoi elle ressemblait sauf qu’elle devait se rapprocher des anciens courants gnostiques. Jean Markale voit en lui « l’un des derniers druides de Brocéliande ».

C’est un personnage fascinant dont l’histoire a certainement beaucoup à nous raconter… L’Eglise le persécuta et saint Bernard le condamna comme hérétique. C’est ainsi, hélas, que terminaient beaucoup de visionnaires…

Eon de l'Etoile représenté sur un des tableaux de l'Eglise du Graal
Eon de l’Etoile représenté sur un des tableaux de l’Eglise du Graal – Hemeac ©

On lui prêtait certains pouvoirs magiques et l’histoire racontait qu’il avait amassé un important trésor… ; derrière lui, l’église Saint-Léry qui conserve encore quelques éléments de la chapelle rasée du Moinet. Son surnom de l’Etoile proviendrait du passage de la comète de Halley en 1145. La comète est d’ailleurs visible sur le blason de Concoret. Curieuse anecdote : le 19 juillet 2011, le Planétarium de l’Espace des Sciences de Rennes enregistre un évènement étrange : vers 5h20 du matin, une météorite finit sa course à Néant-sur-Yvel, une ville voisine de Concoret. La ville s’appelait juste Néant avant qu’on ne lui ajoute « sur-Yvel ». Or, Néant signifie, en breton (Neñv), « Les Cieux », « Le Paradis »…

Rennes-les-Bains a son cromleck, Brocéliande possède également ses nombreux mégalithes servant eux aussi désormais les légendes arthuriennes. Dolmens et menhirs se transforment tour à tour en amants pétrifiés, en tombeaux de fées… Henri Gillard réalise la richesse que peut lui apporter un tel support pour son église spirituelle. Il se sert alors du tourisme pour attirer de nouveaux visiteurs. Il se métamorphose en véritable guide, n’hésitant pas à emmener des groupes sur les hauteurs du Val afin de leur faire découvrir les légendes de Brocéliande. Son sanctuaire est un passage inévitable !

Il se met aussi à organiser des évènements de grande ampleur afin, toujours, d’attirer le plus de monde et de faire connaître son œuvre. Le 29 juillet 1951, l’abbé Gillard organise une grande cérémonie druidique à Tréhorenteuc et au Val. Il s’agit de la Gorsedd Digor. Un cromlech est aménagé pour accueillir la cérémonie. Le père Alexis Presse est présent (il se fera introniser à cette occasion). La druidesse Angèle Vannier également. L’abbé peut être ravi ! L’évènement restera dans les mémoires et participera lui aussi au regain touristique. Le mouvement breton en profitera aussi pour faire « peau neuve ». Sa notoriété s’était trouvée quelque peu entachée après la guerre à cause de certains de ses membres…

L’abbé Gillard s’éteignit le 15 juillet 1979, à Sainte-Anne d’Auray. Le 18 juillet, il fut inhumé dans son église où il repose désormais. Ce qui n’est pas courant… Surtout quand on pense aux relations houleuses qu’il entretenait alors avec son évêché. Celui-ci, consterné par ses activités peu orthodoxes, avait décidé, en 1962, de l’écarter de Tréhorenteuc. Il ne restera jamais bien éloigné de son église toutefois, mais, comme Bérenger Saunière, il sera privé de son seul objet de dévotion…

D’un « trou perdu », il a fait un haut lieu touristique visité par des personnes du monde entier. Tréhorenteuc y a gagné une grande notoriété et l’abbé y a trouvé l’immortalité…

D’autres prêtres, d’autres étrangetés

Je songeai à tout cela en sortant de l’église de Tréhorenteuc et, m’arrêtant un moment devant la statue d’Henri Gillard, me rappelai qu’on m’avait parlé d’autres abbés de son entourage qui méritaient également mon intérêt…

L’abbé Emmanuel Rouxel

Je pris résolument la direction de Néant que je savais être à quelques kilomètres seulement de Tréhorenteuc. Il y avait là un autre abbé, Emmanuel Rouxel qui n’ignorait pas les motivations de Gillard. Certes, l’église était plus « conventionnelle ». Mais on y décelait ici et là quelques touches de notre homme…

Les 2 mosaïques de Saint-Pierre de Néant - Hemeac ©

Les 2 mosaïques de Saint-Pierre de Néant
Les 2 mosaïques de Saint-Pierre de Néant – Hemeac ©

Le cerf blanc renvoie à la grande mosaïque de l’église du Graal (pour la symbolique de l’œuvre de l’abbé Gillard, je conseille “L’église du Graal” d’Elisabeth Cappelli et Alain Gérardin, disponible au centre d’initiative de Tréhorenteuc.

Rouxel était sans doute influencé par l’abbé Gillard. Ce dernier lui aurait conseillé de remplacer un ancien vitrail par une mosaïque de Xavier Langlais. Ce fut encore Gillard qui donna les instructions de l’exécution de l’œuvre. On retrouve toujours la coupe verte, le saint-Graal, cher à Gillard.

Xavier Langlais

Xavier Langlais n’était pas non plus un inconnu. Il avait déjà, lui-même, publié plusieurs ouvrages sur le Graal. Né en 1906 à Sarzeau (autre lieu d’importance !), l’artiste s’intéressait notamment beaucoup au nombre d’or. On le trouve, par exemple, dans la réalisation de la mosaïque dont je viens de parler !

L'église du Graal
Hemeac ©

On retrouve également le nombre d’or inscrit dans l’église de Tréhorenteuc pour nous rappeler que celui-ci entre dans la composition de l’œuvre de son abbé… A ce propos, Henri Gillard était passionné par les nombres ; il écrira à ce sujet : “La mystique des nombres dans les Beaux-Arts”.

Autre curiosité (du hasard ?) : Xavier Langlais était le petit-fils d’Amédée de Francheville, maire de Sarzeau. Celui-ci acquit la propriété de la maison d’Alain-René Le Sage, mort en 1747. Alain-René Le Sage, né également à Sarzeau, n’est pas inconnu des chercheurs de Rennes puisqu’il est l’auteur du Diable boiteux ! Amédée… Diable boiteux… Asmodée… Vous suivez ? Et Amédée n’était-il pas aussi le nom de scène de Philippe de Chérisey ?

Je rouvrai les yeux à cet instant, juste à temps pour redresser mon volant avant que mon véhicule ne vienne heurter l’hêtre qui s’était penché sur le côté. Hêtre ou ne pas hêtre ? Telle fut ma question sur le moment…

Reprenant mes esprits, je décidai qu’un café ne serait pas de trop avant de poursuivre ma quête. J’avais dépassé le château de Trécesson et regrettai de m’être assoupi. Peut-être aurais-je pu croiser sa Dame Blanche faisant de l’auto-stop ? Un brin de compagnie n’aurait pas été désagréable et m’aurait permis de rester éveillé !

J’arrivai ainsi à Campénéac et m’arrêtai près de son église… que je ne pus m’empêcher de visiter. Mais quelle ne fut alors ma surprise… ! Asmodée, se tenait là, devant moi, me regardant d’un air interrogateur… L’avais-je invoqué tout à l’heure ? Où avais-je franchi une « porte » me menant à Rennes-le-Château ?

Le diable soutenant la chaire de l'église de Campénéac
Le diable soutenant la chaire de l’église de Campénéac – Hemeac ©

L’abbé Auguste Coudray

Désorienté, je sortis et décidai de vérifier ma prochaine destination. Gillard… Rouxel… Qui était le troisième abbé déjà ? Ah oui, il s’agissait de l’abbé Auguste Coudray ! Ce que je ne savais pas encore, c’est que ce personnage allait m’emmener très loin sur de nouveaux sentiers… J’avais, jusqu’ici, suivi la piste du Graal. Je devais fatalement rencontré, à un moment, ses plus fervents gardiens : les Templiers !

Les Templiers ont toute mon admiration. Probablement aussi en partie du fait que l’Eglise s’est retournée contre eux ! Pour justifier leur extermination, on n’a pas hésité à les envelopper d’une aura maléfique. C’est en Bretagne qu’ils ont la pire réputation… Ici, on les nomme les « moines rouges ». Ce sont des damnés dont les méfaits n’ont pas de limites ! (la bêtise non plus, d’ailleurs !).

« Ils ont été brûlés vifs, et leurs cendres jetées au vent ; leur corps a été puni à cause de leur crime. » (Théodore Hersart de la Villemarqué, “Les trois moines rouges, ou les Templiers”, Le Barzhaz Breizh.)

« Pourquoi les « moines rouges », qui ne paraissent pourtant pas avoir été impopulaires aux XIIe et XIIIe siècles, sont-ils devenus dans la tradition de véritables agents du diable, contraints d’errer après leur mort en punition de leurs péchés, des sortes de vampires poursuivant les voyageurs et entraînant les pêcheurs en enfer ? S’il y a une mythologie templière, c’est assurément en Bretagne qu’il faut aller la chercher. » (Jean Markale, “Gisors et l’énigme des Templiers”)

Les "moines rouges" dans la chapelle Sainte-Catherine de Lizio - Hemeac ©
Les “moines rouges” dans la chapelle Sainte-Catherine de Lizio – Hemeac ©

Les Templiers se sont très bien implantés en Bretagne, peut-être trop au goût de certains qui ont voulu minimiser leur influence dans cette province. Du temps des Plantagenêts, leur puissance est alors au sommet. Ils bénéficient, en outre, de nombreuses donations en terres qui favorisent rapidement leur expansion. La commanderie la plus importante est alors celle de la Guerche. Ensuite vient celle de La Nouée. Puis, Carentoir et La Feuillée. Nantes possédait également une importante commanderie délimitée par celle de Clisson au sud et celle des Biais dans le Pays de Retz.

Il n’y a qu’à visiter la Bretagne pour se rendre compte que leur présence était bien réelle et bien ancrée. Malheureusement pour eux, ils subiront le même sort que leurs compatriotes. Le 3 mars 1308, leurs possessions en Bretagne sont saisies et finiront entre les mains des Hospitaliers. C’est un moindre mal…

En Bretagne, les Templiers ont profité d’un terreau culturel particulièrement fertile. Ce n’est pas saint Bernard d’ailleurs qui aurait pu leur reprocher de puiser dans les vieux fonds druidiques… Il leur aurait plutôt adressé ces paroles :

« Vous trouverez plus de choses dans les forêts que dans les livres ; les arbres, les pierres vous apprendront ce que les Maîtres ne sauraient vous enseigner. Pensez-vous que vous ne puissiez sucer le miel de la pierre, l’huile du rocher le plus dur ? Est-ce que les montagnes ne distillent pas la douceur ? Est-ce que les collines ne coulent point le lait et le miel ? Est-ce que les vallées ne sont pas remplies de froment ? J’aurais tant de choses à vous dire ! A peine si je me retiens. » (Les plus beaux écrits de saint Bernard)

(En tout cas, il ne s’est pas retenu contre les hérésies cathares… Mais ça, c’est une autre histoire !)

Déjà, en Ecosse, une communauté dont les membres se nommaient Culdées avait tenté de réunir le druidisme et le christianisme. On dit que saint Bernard aurait hérité de cette tradition par l’intermédiaire de saint Malachie…

Jean-Claude Cappelli rappelle également qu’il existe des cas connus de « druides guerriers », sorte de moines soldats en somme (Jean-Claude Cappelli et Alain Gérardin, “Les Chemins de Folle Pensée”). N’était-ce pas le cas des Templiers ?

Mais bon, n’allons pas trop vite en besogne et ne nous égarons pas ! J’étais venu pour enquêter sur un autre drôle d’oiseau : l’abbé Auguste Coudray. Je ne devais pas l’oublier… Auguste Coudray, personnage philanthrope et généreux !

C’est par une magnifique journée ensoleillée que je découvris le village pittoresque de Lizio. Après m’y être repu et avoir visité ce lieu enchanteur, je me mis en quête d’informations. Auguste Coudray était bien connu dans la région. Il était né à Lizio, d’une famille de tailleurs de pierre, en 1924, et il devait y terminer sa vie. Mais sa vie était loin d’être banale…

C’est d’abord à Vannes que la vie mènera Auguste Coudray. Il y est alors aumônier à Kercado. Déjà, sa façon de voir les choses et sa façon de penser dérangent. C’est un libre penseur. Il ne s’entend pas avec son évêché. Une nuit, un rêve lui montre un lieu dans lequel se trouve une roseraie. Il refera le même rêve et restera par la suite obsédé par cette vision.

La maison d'enfance d'Aguste Coudray d'après Jean Dantier, vicaire et instituteur de Lizio
La maison d’enfance d’Aguste Coudray d’après Jean Dantier, vicaire et instituteur de Lizio – Hemeac ©

Il se trouve qu’à Lizio, en dehors du bourg, existait un hameau de quelques maisons recouvrant les métiers traditionnels de l’époque. Celui-ci était inhabité et en ruine depuis plusieurs années déjà quand, en 1961, l’abbé Coudray s’y rend pour le réhabiliter. C’est à cette tâche qu’il s’attèle vaillamment avec quelques jeunes vannetais. Très vite, l’endroit reprend vie et s’anime d’une nouvelle activité pour le plus grand bonheur d’un abbé comblé.

Un jour qu’il se promène, Auguste Coudray reconnaît la roseraie qu’il avait vue en rêve. Il en est profondément troublé. Sans doute n’est-ce pas un hasard s’il est venu ici. Le temps passe et l’abbé Coudray devient propriétaire du hameau. Il habite l’une des maisons qu’il transforme en véritable atelier de travail pour ses recherches. C’est là aussi qu’il publiera de nombreux ouvrages.

L'agréable maison d'Auguste Coudray
L’agréable maison d’Auguste Coudray – Hemeac ©

Maison derrière laquelle se trouve le jardin de l’abbé ; il connaissait très bien les vertus des plantes auxquelles il s’intéressait beaucoup.

Régulièrement des visiteurs arrivent de toute part pour profiter des nombreux stages proposés par l’abbé Coudray ou simplement pour jouir de la sérénité du lieu. Le village du Val Richard devient alors un véritable centre spirituel en plus de sa raison culturelle. Il y reçoit des artistes, des philosophes et bien d’autres encore… A y penser à présent, s’il fallait faire un lien avec Rennes-le-Château, l’abbé Saunière serait plus proche d’un Coudray que d’un Gillard ! A propos de ce dernier, grand ami d’Auguste, il profitera certainement lui aussi de l’effervescence du Val Richard et les deux hommes sauront tirer profit de ce climat favorable.

Bien sûr, étant donné que l’abbé Gillard entretenait certains rapports avec Geneviève Zaepffel, je voulus savoir si cette dernière connaissait Auguste Coudray. Malheureusement, rien ne vient étayer cette hypothèse. Toutefois, considérant tous les faits, il eut été fort étonnant que l’un et l’autre ne se soient jamais rencontrés… Disons simplement que Zaepffel et Coudray ne fréquentaient pas les mêmes cercles. Alors que Zaepffel « baignait » plus dans l’ésotérisme, Coudray « naviguait » dans un domaine davantage mystique. L’un n’empêche toutefois pas l’autre ! Coudray s’est même intéressé quelque peu à l’ésotérisme mais toujours avec une certaine méfiance…

Auguste Coudray est un homme qui aime aider son prochain. Il reçoit dans son village sans distinction et tire enseignement des connaissances de ses nombreux visiteurs. On vient aussi pour l’écouter, car l’abbé est érudit. Le hameau est avant tout un lieu d’échange.

Il fera aussi plusieurs voyages afin de compléter ses connaissances car notre homme est passionné par la symbolique et les nombres, entre autres. Ainsi, il se rendra en Afrique, à Ouagadougou (au retour duquel voyage il reviendra toutefois marqué). Il visitera également Israël. Mais c’est au retour de l’Egypte, en 1990, qu’il fera paraître un premier ouvrage sur Catherine d’Alexandrie (Sainte Catherine d’Alexandrie, Cahiers « Mille chemins ouverts »), la patronne des Templiers à laquelle Auguste Coudray voue une profonde vénération. Il est alors accompagné de Marie (!) qui l’aide dans toutes ses recherches.

Cette passion pour la symbolique naîtra peut-être à la fin des années quatre-vingt. L’abbé revient tout juste d’un stage dans les églises romanes d’Auvergne. Désormais sa vision des choses a changé. Et son premier regard va se porter sur une bien curieuse petite chapelle qu’il a toujours connue : la chapelle Sainte-Catherine de Lizio.

En réalité, l’abbé Coudray s’intéressait à trois chapelles : la chapelle Sainte-Catherine de Lizio, la chapelle Saint-Gobrien (dans la commune de Saint-Servent) et la chapelle des Templiers de La Vraie-Croix. « Chacune d’entre elles est une œuvre originale et possède son caractère propre : le maître d’œuvre de Sainte Catherine nous invite à découvrir l’Egypte et ses monastères, celui de la Vraie Croix nous conduit à la basilique du Saint Sépulcre de Jérusalem et celui de Saint Gobrien nous renvoie à nos racines celtiques et nous rappelle l’importance de Rome dans notre histoire, de la Rome païenne autant que de la Rome chrétienne. » (Auguste Coudray, Saint Gobrien)

La chapelle des Templiers de La Vraie-Croix autre église du graal
La chapelle des Templiers de La Vraie-Croix – Hemeac ©

Auguste Coudray nous invite à un véritable voyage initiatique à travers le temps et l’espace. Les chapelles templières sont les clés qui permettent alors d’ouvrir la Porte du Ciel… du moins si l’on sait les décrypter !

Prière de Sainte Catherine, à l’heure de son exécution :

« Ô toi, espérance et salut des croyants, toi, beauté et gloire des vierges, Jésus, bon roi, je t’en supplie : que tous ceux qui garderont mémoire de ma passion et m’invoqueront, soit au moment du départ de leur âme, soit en cas de nécessité, obtiennent l’effet de ta protection.”

Une voix se fit entendre qui lui disait : “Viens, ma bien-aimée, ma belle ! Voilà : la porte du ciel t’est ouverte. Et, en effet, à ceux qui auront célébré ta passion, je promets, du ciel, les secours demandés. »

Oeuvre du peintre Parfait Pobéguin, datée de 1874. La nouvelle Isis n'est autre que Catherine d'Alexandrie, la patronne des Templiers
Oeuvre du peintre Parfait Pobéguin, datée de 1874. “La nouvelle Isis n’est autre que Catherine d’Alexandrie, la patronne des Templiers” – Hemeac ©

Il était temps de rendre visite à cette chapelle… La route était agréable et se prêtait à la flânerie, chaque détour peignant un nouveau tableau champêtre, m’entraînant d’œuvre en œuvre à travers l’immense exploration de ce musée coloré. La chapelle Sainte-Catherine était bâtie au sommet d’une colline que l’on appelait Pédu, la colline noire. Les Templiers, arrivés là vers 1150-1200, y construisirent un oratoire dédié à la sainte et un lieu de restauration (La Regobe) pour accueillir les pèlerins voyageant sur les chemins de Compostelle. Une fontaine fut également construite sur l’emplacement d’une ancienne source sacrée.

La chapelle Sainte Catherine et son calvaire, proches de l'église du graal
La chapelle Sainte Catherine et son calvaire – Hemeac ©

Après la disparition des Templiers, le petit prieuré tombera dans l’oubli. Il faudra attendre la venue d’un prêtre hospitalier de Saint-Jean, pour lui restituer sa gloire passée. Charles Laurencin est nommé commandeur de Carentoir en 1645. Il est inspiré par l’endroit et soucieux de préserver l’esprit des Templiers. De 1655 à 1665, Laurencin restaure les ruines et bâtit la chapelle dans le respect des traditions templières. Il fait de sa devise : « Lucet in tenebris » (Lumière qui luit dans les ténèbres), la dédicace du nouvel édifice. Pour finir, il place un vitrail représentant le sceau des Templiers en hommage à ces derniers.

Il fait inscrire la devise des Templiers sur son pourtour : Non nobis, domine, non nobis, sed nomini tuo da gloria
Il fait inscrire la devise des Templiers sur son pourtour : Non nobis, domine, non nobis, sed nomini tuo da gloria – Hemeac ©

La première chose que le pèlerin voit quand il fait étape à Lizio, est une borne de granit, placée à quelques 200 mètres de la chapelle, et l’avertissant de ce qu’il va trouver ici.

La borne de granit : "chemin du ciel et de 1763"
La borne de granit : “chemin du ciel et de 1763” – Hemeac ©

Il sait qu’il est sur la bonne voie. Il ne lui reste plus qu’à remonter vers la chapelle. Ce qu’il va découvrir alors est un parcours initiatique, « un chemin et un enseignement qui permet de relier le ciel à la terre » (Thierry Van de Leur, Les phénomènes solaires artificiels), de retrouver la « Porte du Ciel ».

La "Porte du Ciel" à l'entrée de l'église Saint Pierre de Mauron
La “Porte du Ciel” à l’entrée de l’église Saint Pierre de Mauron – Hemeac ©

Pour l’aider à le réaliser, un « jeu » lui est proposé à travers un cheminement parsemé d’énigmes et d’embuches. Il doit surmonter les épreuves, décoder les indices et suivre les pistes laissées à dessein. Et s’il parvient à « retrouver le chemin de sa propre intériorité », Sainte Catherine lui montrera peut-être la digne récompense. N’est-elle pas La Lumineuse, la Messagère de lumière, l’ « annonciatrice de la lumière » ? N’est-elle pas un phare dans la nuit des Templiers, l’antique Isis des Egyptiens donnant naissance au soleil régénérateur ?

Le pilier "Isis" inscrit en grec copte selon Auguste Coudray
Le pilier “Isis” inscrit en grec copte selon Auguste Coudray – Hemeac ©

Le calvaire codé avec son "n" inversé - Hemeac ©
Le calvaire codé avec son “n” inversé – Hemeac ©

Pour ceux qui sont intéressés par le travail de l’abbé, je conseille son triptyque, consacré à la chapelle Sainte-Catherine : Sainte Catherine d’Alexandrie, Voyage par des sentiers perdus et Langages oubliés de compagnons et maîtres d’œuvre. Le message du calvaire en entier :

Message du calvaire à côté de la chapelle Sainte Catherine

Gn 28:17-19 : 17 « Il eut peur et dit : “Que ce lieu est redoutable ! Ce n’est rien de moins qu’une maison de Dieu et la porte du ciel !” 18 Levé de bon matin, il prit la pierre qui lui avait servi de chevet, il la dressa comme une stèle et répandit de l’huile sur son sommet. 19 A ce lieu, il donna le nom de Béthel, mais auparavant la ville s’appelait Luz. »

La lumière (qui se dit « Luz » en espagnol) est l’une des clés de la compréhension de la chapelle Sainte-Catherine. Auguste Coudray nous fait remarquer qu’il existe, dans la chapelle, des phénomènes observables liés à la position du soleil dans notre ciel. Ces phénomènes sont alors en mesure de nous guider à travers notre parcours initiatique.

La "vescica" de la chapelle Saint-Gobrien animée par la lumière du vitrail
La “vescica” de la chapelle Saint-Gobrien animée par la lumière du vitrail – Hemeac ©

La "vescica" de la chapelle Saint-Gobrien et les pommes bleues
La “vescica” de la chapelle Saint-Gobrien animée les pommes bleues – Hemeac ©

La chapelle Sainte-Catherine de Lizio a-t-elle livré tous ses secrets ? Je suis loin de le penser. La chapelle serait bâtie sur une crypte secrète. Que renfermerait-elle ? On pense aussi qu’un tunnel en partirait en droite ligne sur une longue distance. La présence des Templiers est très palpable et les énergies du lieu très fortes. Mais gare ! Les gardiens sont toujours là et défendent âprement leurs secrets. Ne vous avisez pas de les déranger sans leur en demander la permission !

Quoi qu’il en soit, ce lieu exerçait une grande emprise sur moi. Perdu dans mes pensées, des mots tourbillonnaient dans mon esprit : Templiers… Egyptiens… Celtes… Graal… Je ne réalisais pas, qu’en dehors de cette chapelle, le temps tel que nous l’appréhendions, poursuivait toujours son œuvre. En effet, il était déjà tard mais une force me retenait en ce lieu. Je dus user de toute ma volonté pour me défaire de l’attraction de cette chapelle et quittai les lieux à contre-cœur. Sainte-Catherine ne m’avait pas tout dit…

Retable de la chapelle Sainte Catherine de Lizio
J’imagine Auguste Coudray contemplant la lumière jouant sur le tableau du retable le 25 novembre, jour de la sainte Catherine, et se remémorant le chant de Daniel Facéras pour Thérèse de Lisieux – Hemeac © :

Elle attend
entre l’ombre et la lumière
comme la Belle au bois dormant.
Guettant le moindre bruit du vent,
elle attend celui qui viendra doucement,
elle attend celui qui a fait le serment,
malade d’amour elle attend.
(Auguste Coudray, Langages oubliés de compagnons et maîtres d’œuvre)

La marelle selon le modèle de l'arbre des Séphiroths
La marelle selon le modèle de l’arbre des Séphiroths – Hemeac ©

La fontaine codée avec son bassin formé de dalles de schiste et de granit
La fontaine codée avec son bassin formé de dalles de schiste et de granit – Hemeac ©

Mais une autre bâtisse m’attendait à quelques kilomètres : il s’agissait de la chapelle Saint-Gobrien sur la commune de Saint-Servant. Elle était, elle aussi, l’une des étapes sur le chemin de pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, mais son histoire n’avait rien à voir avec la chapelle Sainte-Catherine.

La chapelle Saint-Gobrien près de l'église du graal
La chapelle Saint-Gobrien – Hemeac ©

La tradition veut que la chapelle fût édifiée sur l’emplacement de l’oratoire de Saint Gobrien aux environs de l’an mille. Saint Gobrien était censé être un évêque de Vannes qui vécut entre le VIIe et le VIIIe siècle. Venu se retirer sur les bords de l’Oust, il y créa un ermitage qu’il habita jusqu’à sa mort, en 725. Après plusieurs remaniements, la chapelle sera reconstruite à la fin du XVe siècle par Olivier de Clisson. C’est en 1936 qu’Auguste Coudray en fera la découverte.

La chapelle de la Vierge : statues d'Olivier de Clisson, de la Vierge à l'enfant et de Saint Bernard
La chapelle de la Vierge : statues d’Olivier de Clisson, de la Vierge à l’enfant et de Saint Bernard – Hemeac ©

En vérité, Saint Gobrien n’est autre que la christianisation de la divinité celtique Gobniu (ou Goibniu), le dieu-forgeron des Tûatha Dé Dânann…

Ici, pas de codes compliqués comme à la chapelle Sainte-Catherine. Mais la modeste chapelle est un centre bouillonnant d’énergies. Le pèlerin y est tout autant invité à parcourir son cheminement initiatique et à passer de la terre au ciel, du matériel au spirituel. Mais c’est une autre surprise qui l’attend dans le chœur : une magnifique vescica qui occupe la place devant l’autel.

La vescica dans une autre église du graal
La vescica – Hemeac ©

Il faut, toutefois, rester prudent quant au terme de « vescica ». La définition qui nous en est généralement donnée est la suivante : « La vescica est dessinée d’une manière apparemment irrationnelle : la distance entre chaque cercle varie du centre à la périphérie. En fait, les rayons des cercles suivent une progression géométrique calculée selon le nombre d’or. » (Selon Wikipedia) Or, ici, la forme géométrique ne répond pas à la définition. En effet, les distances entre les cercles ne semblent pas avoir été calculées en fonction du nombre d’or. Cela n’enlève toutefois rien aux traditions qui lui attribuent un pouvoir régénérateur. Si les cercles représentent « le soleil qui se propage » (Auguste Coudray, Saint Gobrien), la croix de Saint-André (X), elle, symbolise, encore une fois, la lumière ou la radiance. Elle est aussi la jonction entre la terre (Λ) et le ciel (V). En alchimie, elle est la lumière manifestée. Autant de symboles que l’on avait déjà rencontrés dans la chapelle Sainte-Catherine.

Autre détail intéressant : « Saint André (30 novembre) est précédé le 25 novembre par Sainte Catherine et suivi le 6 décembre par Saint Nicolas. Ces trois jours sont intimement liés “par une sorte de balancement de croyances et de coutumes qui en font un Cycle secondaire. Selon le calendrier, il est à cheval sur l’automne et l’hiver” (Van Gennep, Maisons d’Eurasie : Architecture, symbolisme et signification sociale). » Sainte Catherine et Saint Nicolas ne sont-ils pas les patrons des Templiers ?

Les 2 tibias associés au crâne forment la croix de Saint André
Les 2 tibias associés au crâne forment la croix de Saint André – Hemeac ©

Mais, me direz-vous, où est Sainte Catherine dans tout cela ? Et bien, elle est bien présente ici, également, en cette chapelle Saint-Gobrien.

La chapelle Sainte Catherine : ici, représentée à gauche et dans la partie droite du vitrail, aux côtés de Saint Gobrien ("Goubrien" inscrit ici) et de Saint Christophe
La chapelle Sainte Catherine : ici, représentée à gauche et dans la partie droite du vitrail, aux côtés de Saint Gobrien (“Goubrien” inscrit ici) et de Saint Christophe – Hemeac ©

Le sol en terre battue du narthex qui accueillait les pèlerins pour nous rappeler que nous sommes sur un lieu tellurique

Vierge noire comme dans l'église du graal
Le sol en terre battue du narthex qui accueillait les pèlerins et une Vierge noire pour nous rappeler que nous sommes sur un lieu tellurique – Hemeac ©

Je sortis de la chapelle, l’esprit encore embrumé de tout ce que j’avais vu et découvert… Tandis que je m’éloignais, je repensais à mon périple depuis que j’avais pénétré la forêt de Brocéliande. Quel étrange endroit ! Il fut une époque où un petit nombre d’abbés, poursuivant les mêmes motivations, rejetèrent les dogmes de la religion et commencèrent à se poser des questions. Certains visionnaires, d’autres réfractaires, tous avaient changé leur façon de voir les choses. Qu’est-ce qui avait provoqué ce profond changement dans des esprits pourtant marqués par leur foi ?

Je me rappelais de ces curés de l’Aude et de leurs secrets…

Auguste Coudray et Henri Gillard faisaient partie de ces visionnaires. Ils n’avaient pas hésité à se dresser contre l’Eglise pour affirmer leurs vues. Gillard avait été écarté de son église. Coudray avait bâti sa propre « église » dans laquelle il acceptait tous ceux qui étaient en quête de spiritualité. Il passa sa vie aux côtés de Sainte Catherine. Elle changea sa destinée. Un jour qu’il revenait de la chapelle Sainte-Catherine, sa voiture en heurta une autre au carrefour Sainte-Catherine. Il fut emmené d’urgence à l’hôpital où il resta un temps entre la vie et la mort. C’est au 25 novembre de l’année 2000 qu’il rendit l’âme… le jour de la Sainte Catherine… A-t-il entendu à ce moment-là, Catherine lui murmurer à l’oreille : “Viens, mon bien-aimé, mon bon Auguste ! Voilà : la porte du ciel t’est ouverte.” ?

Remerciements particuliers pour l’église du Graal

A la famille Coudray pour son accueil et sa patience – à Ceux du Pays de l’Ours pour leurs précieux conseils – aux habitants de Manoir qu’ils soient de ce monde ou non…

Vous procurez le livre “L’Abbé Henri Gillard Eglise de Tréhorenteuc” de l’abbé Rouxel !

16 juin 2014, mise à jour 23 décembre 2020, Hemeac ©

Sur les pas de Pierre Plantard – A la découverte du Serpent Rouge ! Lire l’étude !


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