Dans les pas de Pierre Plantard

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Le mystère de l’abbé Saunière existait bel et bien avant l’arrivée de Pierre Plantard dans la région. Cet argument invoqué par de nombreux chercheurs ne saurait souffrir d’aucune contestation. Cependant, comme l’a signifié Jean-Pierre Deloux, « sans Plantard, pas d’affaire de Rennes ni de Da Vinci code ». Nous pourrions ajouter que, sans l’orchestration du Prieuré de Sion et opus dei, et les retombées médiatiques qui s’en sont suivies, l’affaire de Rennes-le-Château serait tombée petit à petit dans l’oubli.

Loin de toute polémique et en se basant sur le fait que Pierre Plantard fut le premier à faire entrer l’abbé Boudet dans cette histoire (par la réédition et la préface de la Vraie Langue Celtique en 1978), l’idée nous est venue à Hemeac et moi de retracer les lieux et les personnages qui ont pu inspirer Pierre Plantard pour articuler sa mystification et tenter de comprendre pourquoi il a voulu attirer l’attention sur le secteur de Rennes-les-Bains. Un premier séjour au Manoir du Tertre de Geneviève Zaeppfel ayant constitué un point de départ, Hemeac s’est pris au jeu et a suivi le fil rouge de Pierre Plantard en Bretagne en débutant par la case REDON. (Kris Darquis)

« Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. »

Que n’a-t-on pas encore dit sur Pierre Plantard ? Sa vie ne nous est plus inconnue. Personnage fascinant, sa personnalité aux nombreuses facettes troubles suscite mépris pour les uns, admiration pour les autres. Il est, en tout cas, un fait indéniable : il est l’auteur d’une œuvre de notoriété internationale. Sans lui, point d’ « affaire Rennes-le-Château » ! On ne cessera de le répéter.

Il demeure pourtant encore beaucoup de zones d’ombre sur le tableau du portrait du grand maître. Nous entrevoyons des mentors. P. Plantard n’était-il qu’une marionnette ? Ne fut-il qu’un pion sur un échiquier aux dimensions du monde ? L’un de ces mentors fut, sans nul doute, Geneviève Zaepffel, médium célèbre, qui nous ramène à Paimpont et à la Bretagne (Lire à ce propos l’étude de Kris Darquis sur Zaepffel et le manoir du Tertre ainsi que celle d’Anne de Varax sur le manoir de la Salamandre lien entre Lisieux Etretat).

La Bretagne… dans les pas de Pierre Plantard

Alors que, lorsque l’on évoque P. Plantard, tous les yeux se braquent infailliblement sur le Languedoc, est-il possible d’ignorer encore l’avant-scène où se tissait la trame d’une pièce bien connue ? L’abbé Boudet ne nous avait-il pas déjà avertis en insistant sur l’empreinte laissée par les Redones dans le secteur de Rennes-les-Bains ?

La Bretagne…

Lieu occulté dans la mythographie plantardienne… à dessein ? N’a-t-on pas voulu nous éloigner d’un élément capital de notre affaire ?

C’est pourtant en Bretagne que le jeune Plantard a commencé son initiation. Et c’est en Bretagne, et plus précisément à Redon, en Ille-et-Vilaine, qu’il a dû rencontrer pour la première fois le Serpent Rouge…

C’est sous l’instigation et suivant l’intuition de Kris que je me rendis donc à Redon pour mener mon enquête. Redon n’est pas inconnue dans l’affaire Rennes-le-Château puisqu’elle est reliée à la branche généalogique des Plantard de Bretagne. C’est au cimetière de Redon que l’on trouve, effectivement, la tombe de la mère de Pierre Plantard, Amélie Marie Raulo, dont l’acte de décès révèle qu’elle est décédée à Redon, le 18 février 1965.

1965… N’est-ce pas durant cette période (ou peu après) que Pierre Plantard et Philippe de Chérisey déposent ces opuscules bien connus de l’affaire de Rennes à la Bibliothèque Nationale ? N’est-ce pas à ce moment même que sont plantés les germes du mythe plantardien ? Par ailleurs, cette année-là, le suppose-t-on, Plantard retourne à Rennes-les-Bains. On sait qu’il y a découvert le fameux livre de l’abbé Boudet. 1965 est, à n’en pas douter, une date importante pour P. Plantard… A l’instar de nombreux aventuriers, n’est-il pas venu à Rennes-les-Bains pour trouver, lui aussi, un trésor ?

Dans les pas de Pierre Plantard avec la tombe d’Amélie Raulo, mère de Pierre Plantard
Tombe d’Amélie Raulo – Hemeac ©

Il ne me fallut pas longtemps pour trouver ce que je cherchais : la tombe est de simple facture ; il s’agit d’une concession perpétuelle (comme celle que P. Plantard achètera par la suite à Rennes-les-Bains !).

Je remarquai de suite la plaque. Plus récente, elle portait la mention « PLANTARD DE ST CLAIR ». On sait que P. Plantard prit le nom de « Plantard de Saint-Clair » à partir de la fin des années soixante-dix. « Saint-Clair » évoque bien sûr la famille écossaise des Sinclair dont on connaît le rattachement au Saint-Graal. En Bretagne, Saint-Clair fait davantage référence au premier évêque de Nantes, Clair de Nantes (fin du IIIe siècle) qui aurait été enterré à Réguiny (qui vient de « Reginea » à la consonance très proche de « Regina » qui veut dire « reine »…).

Statue de Saint-Clair dans l’église de Crac’h, comme le nom pris par Pierre Plantard de Saint Clair
Statue de Saint-Clair dans l’église de Crac’h – Hemeac ©

Mais, plus encore, « mon émotion fut grande » lorsque, me tournant sur ma droite, je vis soudain une apparition : « Revenant alors à la blanche colline, le ciel ayant ouvert ses vannes, il me sembla près de moi sentir une présence, les pieds dans l’eau comme celui qui vient de recevoir la marque du baptême, me retournant vers l’est, face à moi je vis déroulant sans fin ses anneaux, l’énorme SERPENT ROUGE cité dans les parchemins, salée et amère, l’énorme bête déchainée devint au pied de ce mont blanc, rouge en colère. » (1)

Le serpent rouge

Et voilà qu’en effet, se tenait, devant moi, majestueux, le Serpent Rouge, au pied d’une croix se dressant vers le ciel.

Dans les pas de Pierre Plantard, la croix de mission surplombant la tombe de la mère de Pierre Plantard
La croix de mission surplombant la tombe – Hemeac ©

Le serpent rouge au pied de la croix
Le serpent rouge au pied de la croix – Hemeac ©

Le serpent rouge au pied de la croix dans les pas de Pierre Plantard
Le serpent rouge au pied de la croix rouge – Hemeac ©

La « blanche colline »… Je me rappelai que Guémené-Penfao (en Loire-Atlantique) évoquait aussi une « colline blanche » (Gwen menez). C’est le pays de la fée carabosse (la « vieille fée » des Contes de ma mère l’Oye de Charles Perrault…). Mais n’est-ce pas aussi le fief de la branche des Plantard de Bretagne (2) ? Curieuse coïncidence…

Et, « le ciel ayant ouvert ses vannes » n’évoquait-il pas, dès lors, la ville de Vannes ? Il n’était pas interdit de se l’imaginer.

Dans ce cas, « la marque du baptême » était, sans équivoque, cette croix dressée là pour défier toute raison. Car il n’était pas raisonnable de penser que tout prenait soudainement sens combien même il était facile d’y déceler ses propres fantasmes.

Plaque commémorative de la croix de mission - Hemeac ©
Plaque commémorative de la croix de mission – Hemeac ©

Mon esprit encore embrouillé par cette vision fantasmagorique du Serpent Rouge, je décidai de quitter le cimetière. Tout en marchant, perdu dans mes pensées, les idées les plus folles se mêlaient les unes aux autres et voilà qu’un mot s’imprimait avec insistance parmi elles : le Graal. La mère d’Amélie Raulo s’appelait Anne Marie Evain et était native de Redon. Evain… que l’on retrouve sous la forme d’Yvain dans les romans de la Table ronde. Son père portait le prénom d’Athanase qui, en grec (athanatos), veut dire « immortel »… Et ne lit-on pas « Saint Clair » sur la plaque de la tombe ? Et de quoi la famille Saint Clair était-elle la gardienne ?… Pierre Plantard ignorait-il tout cela ?

Laissant là ces divagations, je descendis la butte (!) de la Galerne, abandonnant son cimetière et ses secrets pour le moment. Je ne pus, malgré tout, m’empêcher de jeter un coup d’œil par-dessus mon épaule, vers ce serpent rouge enlaçant la croix… et de penser qu’il s’agissait peut-être encore d’un nouveau jalon laissé (d’une certaine manière) par Plantard dans son jeu de piste.

C’est en serpentant à travers les petites rues du bourg que je parvins ainsi au centre religieux de Redon. J’avais quitté un Christ rouge. Je fus accueilli par un Christ blanc ! J’étais bien à l’épicentre du séisme provoqué par cette découverte comme semblait me le confirmer l’inscription au-dessus de la croix : « NRJ », pouvait-on lire distinctement, le « I » placé en tête disparaissant partiellement…

La croix au pied de la tour gothique dans les pas de Pierre Plantard
La croix au pied de la tour gothique – Hemeac ©

Je hâtai mes pas alors vers l’abbaye Saint-Sauveur où je devais prendre connaissance de son histoire. Histoire qui, comme je devais le découvrir, s’entremêle étroitement avec celle de la Bretagne.

Ce fut saint Conwoïon qui, avec le soutien du « père de la Bretagne », Nominoë, fonda l’abbaye bénédictine Saint-Sauveur en 832. L’abbaye jouira longtemps d’un prestige considérable et son rayonnement sur la Bretagne sera à la mesure des nombreuses donations qui lui seront accordées, notamment par Nominoë, son protecteur mais aussi par Louis le Débonnaire. Comme le dira Jean-Baptiste Ogée : « Ce qui paroît certain, c’est que le Monastere bâti par Saint Convion, a été le principe de l’existence de Redon. » (3) Par la suite, les ducs de Bretagne garantiront de même sa prospérité. Anne de Bretagne y trouvera ainsi refuge quelques temps lors de sa fuite, pourchassée par les troupes de Rieux.

Mais c’est à un autre de ses illustres pensionnaires que l’abbaye doit surtout son intérêt dans notre affaire. C’est ainsi qu’en 1622, le Cardinal de Richelieu, personnalité bien connue du paysage rennais, devient l’abbé commendataire de l’abbaye.

La plaque commémorant le passage de Richelieu - Hemeac ©
La plaque commémorant le passage de Richelieu – Hemeac ©

Il y installe la congrégation de Saint-Maur dans un dessein de réforme religieuse mais n’aura pas le temps de terminer son œuvre.

En tout cas, se croiseront et se succéderont bien des personnages étranges dans cette congrégation de Mauristes : Antoine-Joseph Pernety (1716-1796), Jean-François Pommeraye (1617-1687), connu pour avoir composé l’Histoire de l’Abbaye Royale de Saint-Ouen de Rouen en 1662, comme nous le rappelle Patrick Ferté. Et, mais je m’égare un peu, je n’oublie pas qu’Armand-Jean de Vignerot du Plessis (1629-1715) aurait été, selon certaines sources, abbé de Saint-Ouen de Rouen. Doit-on préciser qu’il fut le petit-neveu du cardinal de Richelieu ? Cet homme qui, criblé de dettes, perdit treize tableaux de Nicolas Poussin sur une partie de paume contre Louis XIV… Celui-là même qui fut fait chevalier de l’ordre du Saint-Esprit aux côtés de Msg de la Rochefoucauld et de Basile Fouquet. Et enfin, celui qui dilapidera la fortune des Richelieu !

Le cloître Richelieu de l'abbaye Saint-Sauveur
Le cloître Richelieu de l’abbaye Saint-Sauveur – Hemeac ©

Abbatiale de l'abbaye Saint-Sauveur - Hemeac ©
Abbatiale de l’abbaye Saint-Sauveur – Hemeac ©

Fouquet… ce nom résonnait à présent dans ma tête comme s’il voulut me signifier quelque chose. J’étais sûr qu’en creusant davantage, je le retrouverai en lien avec l’histoire de la Bretagne… C’est alors que je revins à moi. A trop creuser, je m’étais à nouveau égaré, mais à présent, dans ce qui semblait être un boyau de ténèbres. Etais-je dans ce souterrain que l’on disait creusé vers le XIe siècle (ou plus tard) sous l’abbaye ?

Il était temps à présent d’émerger vers la lumière. Le soleil commençait déjà à décliner, s’accrochant désespérément de ses rayons tentaculaires aux toits de la paisible ville tandis qu’il glissait inexorablement dans l’abîme inconnu. Ma route était encore longue. En réalité, mon voyage n’en était qu’à ses débuts. Je me levai, donc, et songeai à ce que dut ressentir P. Plantard lorsqu’il vint pour la première fois ici. Fut-il inspiré par ce lieu comme je le fus aussi ? Sans aucun doute connaissait-il bien l’histoire de la Bretagne mais aussi ses légendes. Mais dans quelle mesure s’en était-il inspiré pour établir sa mystification ? J’étais bien décidé à le découvrir… J’avais vu le Serpent Rouge. Il me fallait à présent suivre les pas de Pierre Plantard…

Notes :

1. Il s’agit de la strophe du SAGITTAIRE du Serpent Rouge, opuscule déposé à la BNF. D’aucun sait que le Serpent Rouge fait partie d’une série de documents réunis sous l’appellation de Dossiers secrets d’Henri Lobineau. Le nom de Lobineau proviendrait de la « rue Lobineau » ainsi nommée en hommage à Guy Alexis Lobineau (1667-1727), moine bénédictin de la congrégation de Saint-Maur… Tiens ! Tiens ! Dom Lobineau aurait également inspiré un autre personnage intriguant dans notre histoire : l’abbé Gillard et son énigmatique : la porte est en dedans signification ésotérique. Et quel était son prénom ? Henri !

2. Selon « La généalogie de Pierre Plantard, la vraie ! », déjà publiée sur la Gazette.

3. Dans le Dictionnaire historique et géographique de la province de la Bretagne.

Mise à jour 22 octobre 2019, 30 avril 2014, Hemeac ©


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