Jean-Luc Chaumeil le Prieuré de Sion & Pierre Vincent Piobb

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Pierre Vincent Piobb, les arcanes des Sciences Secrètes

Jean-Luc Chaumeil n’avait plus accordé d’interview depuis 2006. Il nous conte ici l’histoire du méconnu ésotériste Pierre Vincenti Piobb au travers de ses nombreux ouvrages tels le Formulaire de Haute Magie, Vénus et le Secret de Nostradamus. Il nous livre la Clef Universelle des Sciences Secrètes et ses arcanes. Jean Luc Chaumeil évoque aussi la tradition des dodécagones chère à P.V Piobb. Dans le sillage de l’ésotériste ont compté des figures telles que Louis Boutard, Eugène Canseliet, René Guénon, Wilhelm Reich, le scientifique John Ernst Worrell Keely et son concept d’éther ainsi que Frédéric Dufourg. Ils s’ajoutent à la longue liste des chercheurs dits interdits de la science officielle.

Les thèmes alchimiques du soleil et la lune, la figure d’Hermès ainsi que l’antimatière et les trous noirs sont abordés aussi ! En conclusion, Jean-Luc Chaumeil nous fait écouter la puissance vibratoire d’un bol magique.

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Interview de Jean-Luc Chaumeil, 2 & 3 décembre 2003

Pour comprendre une des pistes du Prieuré de Sion de Pierre Plantard ainsi que l’opuscule “Pierre et Papier” attribué à Philippe de Chérisey, nous avons interviewé à deux occasions le journaliste, écrivain et artiste, Jean-Luc Chaumeil. La première fois lors d’un échange écrit, la seconde dans sa galerie d’art de Carennac ! Les deux interviews se complètent et sont suivies notamment de deux vidéos de Jean-Luc Chaumeil de 2022 réalisées par Mike Aldébaran ! Vous aurez ainsi l’opportunité de vous forger votre opinion sur les propos de l’auteur au cours des 20 dernières années…

Le verbe haut et la formule choc, Jean-Luc Chaumeil, tel qu’en lui-même, s’est confié avec passion et sans retenue sur sa jeunesse et ses rencontres multiples. Nous avons découvert un homme passionné et passionnant, excessif parfois, souvent intransigeant. Nous n’hésiterons pas à vous tenir au courant de sa production littéraire.

Jean-Luc Chaumeil, auteur prolixe sur le mystère de Rennes-le-Château, a rédigé 5 numéros spéciaux dans la revue “Charivari”, des livres : “Le Triangle d’Or”, “Le Trésor des Templiers”, etc.

Après la disparition de Pierre Plantard en février 2000 et l’interview de Gino Sandri, Jean-Luc Chaumeil a tenu à donner son point de vue sur le Prieuré de Sion et ses relations tumultueuses avec ces deux protagonistes ! Les réponses de Jean-Luc Chaumeil ont dépassé le cadre premier de l’interview puisqu’il nous y parle de son enfance et de la genèse de l’affaire de Rennes-le-Château. Elles permettront aux lecteurs de mieux cerner sa personnalité. Les trois parties de l’interview ont été mises en ligne les 2 et 3 décembre 2003. Un changement de la charte graphique de la Gazette de Rennes-le-Château me permet de les remettre en ligne !

Précision utile, l’interviewé a répondu à cette première interview par écrit. Presque vingt ans plus tard, elle n’en prend que plus de sens…

Avertissement biographique

Gazette de Rennes-le-Château : Jean-Luc Chaumeil, où débuta votre parcours ?

Jean-Luc Chaumeil : Je suis né le vingt octobre 1944 à Lille, non loin de Dunkerque, en cette fin guerre qui ne finissait pas, au milieu des bombes anglaises qui arrosaient la gare et qui faisaient peur à ma mère. Quatre-vingt-dix ans au préalable, le poète français, Arthur Rimbaud, le dieu de mon enfance, se préparait à exercer un nouveau style ; plus tard, il écrira sur les murs de Charleville : « Merdre à Dieu » ; pour, à la fin de sa vie, après avoir découvert la reine d’Ethiopie, revenir vers l’éclair généreux de l’éternité. Il avait trouvé le sens et les partitions de l’opéra fabuleux qu’il déroula à profusion lors de ses randonnées célèbres.

Le philosophe Nietzsche, bien mal compris, ajoutera aux prophéties rimbaldiennes la notion de “la mort de Dieu”. Le vingtième siècle devait confirmer ces deux prophéties par une troisième : « L’homme mort » des environs de Rennes-le-château. Nous étions, en moins d’un siècle, devenus tous orphelins, véritables enfants de la veuve ou de la reine du Midi. Et il était proposé aux survivants comme aux nouveaux arrivants de tenir expressément compte de ces trois notions.

C’est, dans ce cadre, nouveau delta d’une « Terra incognita », que plusieurs nouvelles religions s’implantèrent dont la « Mythologie de Rennes-le-château ».

Premiers pas à Taillefer

Jean-Luc Chaumeil au château de Taillefer le 13 aout 2006
Jean-Luc Chaumeil au château de Taillefer le 13 aout 2006 – Johan Netchacovitch ©

Gazette de Rennes-le-Château : La château de Taillefer et votre village d’origine, Carennac, occupent une place privilégiée dans votre vie.

Jean-Luc Chaumeil : J’avais à peine cinq ans lorsque je subis ma première initiation avec les élémentaux : un après-midi très orageux commença à me faire transpirer et grelotter tour à tour ; je me réfugiai sous un arbre, ma mère, au deuxième étage, surveillait mes allées et venues, regardant le ciel. Un éclair, d’une lumière aveuglante ouvrit les portes des nuées et je reçus la foudre comme un cadeau venu des cieux ! Déjà on voulait m’assassiner ! Terrorisé par l’incident, je me réfugiai sous le toit d’un hangar comme hébété. Ma mère a mis trois secondes pour dévaler les deux étages et elle s’est précipitée pour me prendre dans ses bras et vérifier que je n’étais pas un tas de cendres ! Dès lors, je regardais l’univers sous un autre angle : il fallait faire vite car le fil était tenu, fragile, incertain…

Je commençai à lire tous les livres interdits de la bibliothèque de mon père où je fus initié à la guerre sous-marine entre autres en vingt-quatre volumes…

Puis, vint l’adolescence  avec un dialogue extraordinaire avec l’invisible, au Château de Taillefer et dans le village de mes origines : Carennac. Un vieux sorcier, instituteur de son état, ayant vécu en Afrique, pratiquait l’art de la magie avec les abeilles. Vénérable grand maître d’une obédience, il m’entretint  de cette relation subtile entre les différents mondes par l’enseignement secret des méthodes analogiques. Dès lors, j’avais, pour chaque situation ou tel événement, une approche multiple, parfois contradictoire mais toujours enrichissante.

Journaliste à dix-huit ans, j’ai travaillé dans plusieurs revues, quotidiens et hebdomadaires. Ma première pièce de théâtre : « Béryl ou la Transparence » ne fut jamais jouée, sauf dans la vie, puisque ma deuxième fille porte ce nom. Quelques poèmes de cette époque furent publiés dans le livre « Apocalypse » en 1981, où j’ai prévu, entre autres, l’attentat du 11 septembre. Evidemment, personne ne l’avait remarqué avant…

Reporter de l’invisible

Gazette de Rennes-le-Château : Vous connaissiez diverses personnes liées au milieu ésotérique, comment avez-vous découvert l’existence du “curé aux milliards” ?

Jean-Luc Chaumeil : Peintre à mes heures, poète à d’autres, journaliste pour gagner ma vie, je fis très tôt la connaissance de Daniel Réju qui me demanda des articles pour la revue : « L’ère d’Aquarius ». Je travaillai aussi pour « Europe journal », premier hebdomadaire européen, et je faisais une revue de presse pour les cadres d’une société autoroutière. Peu avant mon divorce, car marié trop jeune, un jeune écrivain, Claude Pimont, auteur de « Dieu n’existe pas, je l’ai rencontré », en compagnie d’un ami de Réju, Monsieur Renard, m’entretint de l’histoire d’un curé qui, soi-disant, avait découvert « des milliards », dans le sud de la France ! Le livre était de Gérard de Sède, auteur d’un livre que j’avais épluché : « Les templiers sont parmi nous », qu’un inspecteur de police avait prêté à mon père…

Connaissant l’histoire de Gisors pour l’avoir déjà approchée, je me méfiai de « L’or de Rennes » et j’avoue que j’avais raison à priori… Donc je préférai Arsène Lupin et l’histoire d’Etretat, surtout après avoir lu Valère Catogan et admiré le tableau de Claude Monet, “L’aiguille Creuse”.

N’oublions pas que j’avais fait des fouilles à Taillefer après la lecture des « Templiers ». En fait de trésor, j’avais découvert un nid de vipères bien réel et, plus clairement, un monde où l’univers était plus intéressant mais à découvrir… J’ai compris très tôt que l’histoire était toujours la même et que la solution n’était pas de découvrir tel ou tel trésor mais de voir l’homme et l’invisible, l’autre de Rimbaud ou le surhomme de Nietzsche ou l’entité cachée derrière qui se joue de nous-même mais qui agit avec conscience pour nous faire comprendre qu’à travers le jeu de la découverte, il existe une autre réalité bien tangible qui nous concerne personnellement et, parfois l’histoire, ce qui est à proprement parler merveilleux … Voilà donc ma définition du reporter de l’invisible et le processus d’une initiation collective, à condition que la cristallisation sur l’or soit, en premier chef, dissipée…

En 1971, je lus le livre de “L’or maudit” et mon rédacteur en chef, Claude Jacquemart, me confia la rédaction d’un numéro spécial : le numéro 18 concernant les archives du Prieuré de Sion. Daniel Réju me donna les coordonnées téléphoniques de Plantard et, parallèlement, je rencontrai Gérard de Sède, rue Danrémont.

A la même époque, Mathieu Paoli, un ami de l’écrivain roumain Doru Theodoriciu, commençait un film pour la T.S.R sur Arginy et Rennes-le-château.

Au tout début de l’année 1972, je partais en mission à Rennes avec mon photographe, Bernard Roy.

Rennes-le-Château, la colline envoutée

Gazette de Rennes-le-Château : Jean-Luc Chaumeil, quelles furent vos premières impressions en arrivant ?

Jean-Luc Chaumeil : Le  voyage dura toute la nuit, le train arriva près de la cathédrale de Carcassonne et la Micheline nous amena à Couiza. Pas de taxi, aucune voiture et le stop ne marchait pas… Nous partîmes à pied avec un regard fixé vers le ciel : Rennes-le-Château, c’était là-haut dans la brume du petit matin, et je serrai très fort mon magnétophone, un vieux Remco à bande en l’essuyant de temps à temps car la rosée s’éternisait sur le cuir.

Après une escalade enivrante, le photographe mitrailla le plateau et je fus photographié devant le panneau : ” Fouilles interdites “. En passant devant le château de Monsieur Fatin, je pensai aux cartes de Marius, le père qui s’était adonné à la « hiéroglyphie » des toponymes, souvenir de Piri Reiss et d’Opicinus de Canistris !

Notre regard fut attiré par une D.S criblée de balles au milieu du terre-plein ; le fils nous apprit plus tard qu’il avait fait un carton !… La tour me déçut et Bernard dut la prendre au zoom pour qu’elle prenne de l’ampleur !

Le seigneur du lieu, Henri Buthion

Gazette de Rennes-le-Château : L’ancien propriétaire du domaine de l’abbé, monsieur Henri Buthion, est souvent décrit comme une personne énigmatique aimant se nimber dans un halo de mystère. Comment vous est-il apparu ?

De gauche à droite, Henri Buthion, Jean-Pierre Monteils, Gérard de Sède
De gauche à droite, Henri Buthion, Jean-Pierre Monteils, Gérard de Sède – Jean-Luc Chaumeil ©

Jean-Luc Chaumeil : Monsieur Buthion nous toisait avec son regard bon enfant ; il ressemblait à De Funès, l’air en coin, en joignant les mains sans arrêt. Il nous logea dans la villa Béthania au dernier étage et nous offrit un café. En allant chercher du sucre à la cuisine, je vis un trou de plusieurs mètres devant une table comme j’avais, déjà au préalable, remarqué une entaille très importante sous la tour ! Je demandai à faire des photos dans l’église ; il refusa parce qu’il fallait l’autorisation de l’évêché ! Notre hôte était méfiant et pensif.

Nous en avons profité pour nous réfugier dans notre chambre en laissant un message sur le magnéto qui relatait ces deux incidents en sachant très bien qu’il viendrait pour les écouter.

Avant de partir pour Rennes-les-Bains, j’ouvris une lucarne pour gratter une tuile en me rappelant un texte du Marquis Philippe de Chérisey, un ami du Marquis de B… , du dentiste Paul Rouelle et de Monsieur Nauvalerts, trois princes Rose+croix de la bonne ville de Liège… Deuxième déception, la tuile était bien de la carrière voisine et personne ne l’avait peinte pour en cacher son reflet doré…

En descendant vers Rennes-les-Bains par le chemin des écoliers, un fou rire nous prit en pensant au divin marquis… On le savait coriace, têtu, presque tendre et capable de nous envoyer sur des pistes au bout desquelles il avait lui-même trouvé porte close. Nous étions prévenus et, puisque c’était le sens de la queste, il fallait continuer… A Rennes-les-bains, le « Christ au lièvre » du bon Docteur nous laissa pantois et un tantinet moqueurs… Toujours à pied, pour la seconde fois, nous reprenions le chemin du Golgotha avec cette sensation d’être ailleurs, dans un autre lieu, la fatigue aidant en cette fin de journée harassante sur le plan physique.

La surprise nous attendait là-haut : monsieur Henri Buthion avait organisé un festin et nous confiait les clefs de l’église pour faire nos photos, en nous suivant, bien sûr, sous prétexte de faire la prière du soir… Sous les flashes multiples, il ouvrait de temps en temps les mains pour comprendre le sens de notre stratégie photographique. Troisième déception, la description des photographies ne collait pas avec celle de Gérard de Sède… ! A table, on nous prit pour des émissaires du Prieuré de Sion et nous fîmes connaissance avec toute la famille, très accueillante de surcroît, et d’un ami, chercheur éprouvé depuis quelques lustres…

Le lendemain, notre hôte nous accompagna au Bézu pour voir les arêtes wisigothiques, au menhir des trois trésors, au tombeau d’Arques, avec sa voiture, commentant sans relâche les divers endroits parcourus…

Gazette de Rennes-le-Château : Vous avez suivi ensuite les traces des inventeurs de l’histoire. Comment les appréhendez-vous ?

Pierre Plantard et Philippe de Chérisey, à droite
Pierre Plantard et Philippe de Chérisey, à droite – Jean-Luc Chaumeil ©

Jean-Luc Chaumeil : Seuls, nous avons visité les grottes de jais, là où Plantard et de Chérisey avaient cherché. La révélation fut à la « Pierre du Dé » : quelque chose de fondamental nous donnait l’impression une nouvelle fois que les choses se passaient ailleurs, dans un autre décor. En matière symbolique, le dé est le symbole des sept portes comme des quatre ordres mineurs et des trois ordres majeurs. Ce n’était plus une déception mais l’étrange certitude qui me rappelait l’avertissement de Gérard de Sède : « Toute ressemblance entre les faits rapportés dans ce livre et une construction imaginaire est le fruit du pur hasard ». Ce n’est pas le moins étrange car la ressemblance est frappante. Premières conclusions sur la première page et intime conviction que Plantard, Chérisey, comme Gérard de Sède, étaient des chercheurs peu ordinaires mais bien réels. Dans un sens certain, ils voulaient faire croire qu’ils connaissaient la réponse pour attirer à eux des informations bien réelles… Chacun selon son genre pour être le seigneur du lieu, mais ils avaient fouillé comme à Gisors un peu partout avant de publier… Comme moi, j’avais gratté la tuile de la villa Béthania… Voilà la première erreur qui peut en entraîner bien d’autres ! Autrement dit, dans une construction imaginaire, il faut faire un distinguo entre le mythe, le symbole et la réalité, c’est–à-dire l’histoire… Il faut donc choisir après avoir épluché les trois numéros de ce dé conceptuel. Cela a été notre démarche qui s’est affinée par la suite…

Gazette de Rennes-le-Château : Dans votre livre, vous évoquez plusieurs trios. Pourriez-vous les préciser ?

Jean-Luc Chaumeil : Effectivement, le premier est composé de l’abbé Saunière, Marie Denarnaud et Noël Corbu ; le second, de Plantard, de Chérisey et de Sède ! 

Gazette de Rennes-le-Château : Vous présentez le deuxième trio sous l’appellation des « trois mousquetaires ». Parlez-nous d’Athos, alias Pierre Plantard de Saint-Clair !

Pierre Plantard entre dans la danse

Jean-Luc Chaumeil : Après plusieurs conversations téléphoniques, je rencontrai Athos à savoir Pierre Plantard. Des questions, il y en avait mille ; quant aux réponses, elles étaient allusives, irritantes à plus d’un titre, souvent contradictoires, parfois naïvement déconcertantes, toujours réglées avec soin, trop de soin peut-être… Le personnage était rieur cependant, plein d’humour, un tantinet illuminé. On aurait dit Jeanne d’Arc en costume 1930, un Matrix « Man in Black » sorti des temps présents avec des documents plein les poches, comme prêts à l’avance… Mais je savais qu’il avait été sacristain et voyant quand il officiait à Aulnay, sous le nom de “Chyren”. Non seulement, il croyait en ses ordonnances mais il prophétisait à tour de bras. J’écoutai et je notai sachant parfois ce qui était vrai comme ce qui était faux. Je le fis pendant douze ans, amusé mais pas dupe. Plantard avait l’imagination qui manquait à Gérard de Sède, et de Chérisey possédait quatorze quartiers de noblesse qui faisaient défaut à Plantard. Vous connaissez la suite : il est devenu le « roi perdu ». Le premier entretien est paru dans le numéro 18 du « Charivari », repris dans « Le Triangle d’or », confirmé dans le « Trésor des Templiers ».

Un jour, il m’offrit une corbeille de pain avec un clin d’œil ; elle venait de la boulangerie qu’il venait d’acheter à Colombes. En me donnant l’objet, il ajouta sans rire : “Un jour, vous serez Premier ministre !”. Voilà le genre de réflexion déconcertante à plus d’un titre ! Je n’osai, ce jour-là, lui demander s’il s’agissait “du culte”, car je savais, pour avoir été dans l’église Saint-Sulpice avec lui, que ses regrets d’ancien sacristain confinaient à l’exaspération. C’est le secret de Plantard et le seul…

Pierre Plantard à la Fontaine des Amours mesurant une croix
Pierre Plantard à la Fontaine des Amours mesurant une croix – Jean-Luc Chaumeil ©

Il était devenu athée et il le regrettait. A Saint-Sulpice par exemple, il parlait haut et fort quand il voyait un prêtre, ce qui provoquait un incident… Il ajoutait sans rire : ” A chaque fois, c’est la même chose…”. Il transformait ainsi la chapelle des Anges en carte au trésor et Saint Pierre, avec ses deux clefs, en un messager indiquant la crypte de Notre-Dame-sous-Terre avec un temple d’Artémis païen de surcroît. Il pratiquait ce qu’on appelle aujourd’hui, le révisionnisme historique, axé sur la légitimité mérovingienne…

Gazette de Rennes-le-Château : Jean-Luc Chaumeil, vous êtes journaliste ! Vous avez notamment écrit des articles dans la revue « Charivari » sur les « Archives du Prieuré de Sion » dès 1973 ! Vous avez rédigé plusieurs livres en rapport avec l’énigme : « Le Trésor du Triangle d’Or », « Le Trésor des Templiers », « L’Alphabet Solaire » en collaboration avec Jacques Rivière. Comment réagissez-vous aux attaques et sous-entendus dont vous avez été l’objet après vos publications ?

Jean-Luc Chaumeil : En 1983, j’allai à Rennes-le château pour la troisième fois et je rencontrai l’un des créateurs des dossiers de l’histoire ; je m’aperçus alors que les fameuses généalogies, copiées avec les mêmes coquilles, étaient celles de Lobineau et de Blancassal, évoquées dans « La Table d’Isis ». J’envoyai mes observations sur plusieurs cartes postales. On me répondit par des tracts anonymes, rédigés à Saint-Malo, là où habitait un certain Louis Vazart ! L’affaire tourna en rond malgré deux plaintes successives : celle faite par mes soins et celle de Plantard. En fait, en guise de réponse, Plantard produisit une copie d’un chèque de sa première femme, Anne-Léa Hisler, pour ses soi-disant travaux dans la revue ! Erreur fatale ! Sur le chèque, il y avait un code d’ordinateur qui n’existait pas en 1960 !… Je ne fus guère étonné ; les Anglais étaient au courant par Jania Mac Galivrey et ils en avaient profité pour allonger la sauce… Mais ils avaient été prévenus avant la parution du best-seller… Depuis, je subis régulièrement des attaques infondées, ceci expliquant cela…

Gazette de Rennes-le-Château : Revenons aux compagnons de route de Pierre Plantard et, notamment, à Gérard de Sède et à sa réception des fameux parchemins !

Jean-Luc Chaumeil : Gérard de Sède, de son vrai nom Gérard de Liéoux selon Robert Charroux, de son vrai nom Robert Gluziau, fut le premier compagnon de Pierre Plantard et de Philippe de Chérisey dans l’affaire de Gisors… J’allai le voir pour cerner davantage Plantard (Interview du Charivari n°18) et pour lui montrer un certain nombre de photographies de bijoux wisigothiques dont nous reparlerons dans le cadre de l’affaire Mathieu Paoli et Doru Todericiou.

Sa femme l’appelait ” Nounours ” et, malgré son air bougon et sa logique imperturbable, il était comme un grand enfant aimant les histoires et les contes de fées. Je lui demandai en premier lieu quand il avait pris connaissance des parchemins. Il me répondit qu’il les avait reçus par la poste ! Je n’insistai pas mais je vis, à son oeil légèrement oblique, que la question l’embarrassait ! Par la poste ou dans un pilier, après tout, pourquoi pas ? Pendant un certain temps, nous échangeâmes un certain nombre d’informations, puis il voulut faire un livre avec moi.

Un détour par Gisors

Gazette de Rennes-le-Château : De votre côté, vous investiguiez également. 

Jean-Luc Chaumeil : En effet ! Entre-temps, j’avais découvert deux choses : la chapelle Sainte Catherine de Gisors avait été construite en 1522 par les seigneurs de Flavacourt et elle se trouvait à côté de l’église Saint Gervais de Gisors ! D’autre part, dans un vieux livre de la fin du dix-neuvième siècle, toute une histoire légendaire concernant François II, fils de Catherine de Médicis, emprisonné à Gisors, un roi perdu en somme… Gérard de Sède ne se démonta pas pour autant et, malgré les témoignages de Dufour, Delie et bien d’autres, il vient soigneusement de rééditer dans « Trésor Mag » en omettant de parler de la notice de Claude-Rouit Berger ! Il était évident, dès lors, que nous ne pouvions nous entendre !

Un certain Mathieu Paoli

Gazette de Rennes-le-Château : C’est à cette époque qu’apparut un personnage dont le rôle paraît encore aujourd’hui assez obscur !

Jean-Luc Chaumeil : Vous faites allusion à Mathieu Paoli qui me déroba un certain nombre de dossiers sur Madeleine Blancassal, Henri Lobineau et Serge Roux pour les publier dans son livre qui devait être édité chez Belfond pour aboutir finalement en Suisse.

De son vrai nom, Ludwig Scheswig, Mathieu était un personnage curieux utilisant les uns et les autres pour arriver à d’autres fins, cachées celles-là… Ami de Pierre Carnac, de son vrai nom Doru Todericiou, il cherchait à identifier un grand plat percé, d’origine wisigothique, vu chez un archéologue américain du nom de Paterson, grand ami de la comtesse de Gogüe, en relation avec la comtesse de Pierrefeu, spécialiste des Cathares.

Après avoir interviewé le professeur Niel, rencontré Déodat Roché qui parlait des anges d’une façon extraordinaire, je partis à Genève voir la comtesse et le professeur Paterson, puis je visitai une crypte magnifique… De retour à Paris, je trouvai sous la porte des photos en négatif que je fis analyser au Musée de Saint-Germain-en-Laye ! A part le plat percé, les photos glissées par Paoli étaient des répliques du trésor de Pétroassa selon le conservateur M. Duval. Nous avons appris plus tard grâce à Doru que Mathieu Paoli avait voulu jouer les agents secrets en Israël en pratiquant le double jeu avec les Egyptiens. Il serait mort fusillé ! Toujours est-il qu’il restera toujours l’énigme du « Plat percé » comme des répliques !

Un vrai marquis

Gazette de Rennes-le-Château : Philippe de Chérisey occupait une place particulière dans le trio. Quel fut son rôle ?

Jean-Luc Chaumeil : Après Porthos, nous voici avec Aramis, le Marquis Philippe de Chérisey, gentleman-acteur, grand buveur devant l’éternel, Chevalier de la table ronde, membre des Cincinnati  dont le testament figure dans Le fameux “Pierre et Papier” que nous publierons dans notre prochain livre, vingt ans après sa mort, selon ses désirs… J’avoue que j’ai versé plus d’une larme en août 1985, lui qui avait trouvé le secret de la Mort, grâce à son épée Excalibur. C’est d’ailleurs à lui que ce livre est dédié comme à Daniel Réju et Moreau de Valdan, le grand druide de la confrérie ligure. Philippe était un homme très élégant, soigneux de sa personne, grand érudit et une fine lame dans la polémique.

Mais il avait une tendance à trop en faire, emporté par sa passion et sa verve gargantuesque. C’est ainsi que j’appris dans une de ses lettres que j’avais découvert le secret dans la vallée des croix ou de Rennes-les-Bains. Il appelait Plantard, Basile, le grec roi et il avait fouillé avec lui à Gisors, dans les caves de Madame Breton où ils avaient trouvé des tonnes de fiente en guise de trésor des Templiers ; puis dans la région de Rennes, notamment à la source de la Madeleine ( Voir Photo ). Chez ma mère, il devait intervenir dans le cadre du Prieuré de Sion, mais Plantard refusa, flairant le danger… Dommage, l’énigme sacrée ne serait peut-être pas sortie. Puis vinrent les premiers jours de janvier 1981. Chérisey comptait venir à Blois, médusé par l’audace de son maître, mais en vain. Plantard ne l’avait pas invité et pour cause…, Plantard n’a pas quitté Colombes ce jour-là, la veille comme les jours suivants… Je l’ai pisté et ma planque, bien qu’inconfortable, a été très efficace… Pour Chérisey, c’était fini, même si, par la suite, il reçut quelques miettes symboliques dont il ne fut jamais dupe ! Quant à Plantard, vexé des amitiés américaines de Philippe, il n’assista pas à son enterrement ! Plantard, volé et exploité par les Anglais, retourné comme une crêpe après l’affaire Pelat, renonça pour un temps à ses facéties que devaient reprendre quelques personnes bien intentionnées !

2 & 3 décembre 2003, mise à jour 25 février 2023, Johan Netchacovitch ©

Découvrir les livres de Jean-Luc Chaumeil !

Interview de Jean-Luc Chaumeil, Le rescapé du Prieuré de Sion, le 12 aout 2006

Une ténébreuse affaire…

La Gazette de Rennes-le-Château a rencontré le dernier mousquetaire du quatuor du Prieuré de Sion, Jean-Luc Chaumeil. Il vient de publier “Rennes-le-Château – Gisors – Le Testament du Prieuré de Sion – Le Crépuscule d’une Ténébreuse Affaire”, éd. Pégase. C’est assurément le livre événement de cette année 2006 puisqu’il contient “Pierre et Papier” de Philippe de Chérisey. Nous vous rappelons que “Le Testament du Prieuré de Sion” et “Pierre et Papier” ont fait l’objet de deux autres articles que vous (re)lirez en cliquant sur les titres des livres.

En ce mois d’août ensoleillé, la rédaction a rencontré longuement Jean-Luc Chaumeil dans sa galerie d’art de Carennac. Ce journaliste, écrivain et artiste est le dernier survivant du Prieuré de Sion, version Pierre Plantard. Après les disparitions du chantre surréaliste, Philippe de Chérisey en 1985, du Grand Maître autoproclamé, Pierre Plantard en 2000 et du porte-plume du groupuscule, Gérard de Sède en 2004, il reste le seul témoin de ce qui est une fumisterie, une renaissance ou une piste à suivre selon les avis des chercheurs.

Dans son livre, Jean-Luc Chaumeil qui se définit comme un journaliste d’investigation, s’est exprimé très peu sur le Prieuré de Sion et sur “Pierre et Papier”. Tout au plus deux dizaines de pages sur plus de 240. Qui plus est, de nombreux passages étaient peu compréhensibles même pour les spécialistes de l’affaire. De surcroît, le moins que nous puissions écrire, c’est que les explications du canular, selon Philippe de Chérisey, étaient embrouillées, voire contradictoires… Beaucoup de chercheurs, rencontrés à Rennes-le-Château et dans la région, beaucoup d’internautes via le forum et les courriels se posaient moult questions aussi !

D’emblée, Jean-Luc Chaumeil, le verbe haut et le ton péremptoire, mais n’en a-t-il pas toujours été ainsi depuis la création du Prieuré de Sion, martèle ses vérités : le Prieuré est une fumisterie, Philippe de Chérisey a créé les deux parchemins, Pierre Plantard était un homme seul dépassé par son invention, il n’y a aucun trésor à Rennes-le-Château ou, plus à la mode, à Rennes-les-Bains, la seule piste serait de retrouver Reda qui n’est ni à Rennes-le-Château ni dans sa proche région, un seul personnage est digne d’intérêt Roncelin de Fos, etc. Notons que J-L Chaumeil a déjà développé nombre de ses idées dans différents écrits des années 70 : les numéros de Pégase, du Charivari consacrés au PS et aux Templiers notamment !

Jean-Luc Chaumeil à Carennac - Johan Netchacovitch ©
Jean-Luc Chaumeil à Carennac – Johan Netchacovitch ©

Gazette de Rennes-le-Château : J-L Chaumeil, quand et comment avez-vous découvert l’énigme de Rennes-le-Château ?

Jean-Luc Chaumeil : Peintre à mes heures, poète à d’autres, journaliste pour gagner ma vie, je fis très tôt la connaissance de Daniel Réju qui me demanda des articles pour la revue : “L’ère d’Aquarius”. Je travaillai aussi pour “Europe journal”, premier hebdomadaire européen, et je faisais une revue de presse pour les cadres d’une société autoroutière. En 1971, je lus le livre “L’or maudit” et mon rédacteur en chef, Claude Jacquemart, me confia la rédaction d’un numéro spécial, le numéro 18 concernant “Les archives du Prieuré de Sion”. un jeune écrivain, Claude Pimont, auteur de “Dieu n’existe pas, je l’ai rencontré”, en compagnie d’un ami de Réju, Monsieur Renard, m’entretint de l’histoire d’un curé qui, soi-disant, avait découvert “des milliards”, dans le sud de la France ! Le livre était de Gérard de Sède, auteur d’un livre que j’avais épluché, “Les templiers sont parmi nous”. Connaissant l’histoire de Gisors pour l’avoir déjà approchée, je me méfiai de “L’or de Rennes” et j’avoue que j’avais raison à priori… Daniel Réju me donna les coordonnées téléphoniques de Plantard et, parallèlement, je rencontrai Gérard de Sède, rue Danrémont. A la même époque, Mathieu Paoli, un ami de l’écrivain roumain Doru Theodoriciu, commençait un film pour la T.S.R. sur Arginy et Rennes-le-Château. Au tout début de l’année 1972, je partais en mission à Rennes-le-Château avec mon photographe Bernard Roy.

Des personnages mystérieux…

Gazette de Rennes-le-Château : Décrivez-nous Pierre Plantard. Etait-il aussi mystérieux qu’on le dit ?

Jean-Luc Chaumeil : Après plusieurs conversations téléphoniques, je rencontrai Pierre Plantard. Des questions, il y en avait mille ; quant aux réponses, elles étaient allusives, irritantes à plus d’un titre, souvent contradictoires, parfois naïvement déconcertantes, toujours réglées avec soin, trop de soin peut-être… Le personnage était rieur cependant, plein d’humour, un tantinet illuminé. On aurait dit Jeanne d’Arc en costume 1930, un Matrix “Man in Black” sorti des temps présents avec des documents plein les poches, comme prêts à l’avance… Mais je savais qu’il avait été sacristain et voyant quand il officiait à Aulnay, sous le nom de “Chyren”. Non seulement, il croyait en ses ordonnances mais il prophétisait à tour de bras. Il rêvait de devenir prêtre et n’était que sacristain ; déçu, il perdit la foi et le regrettait ! Je me souviens de nos visites à l’église Saint-Sulpice de Paris. Il élevait la voix quand il voyait un prêtre et cela dégénérait. Il transformait aussi la chapelle des Saints-Anges en carte au trésor et Saint Pierre, avec ses deux clefs, en un messager indiquant la crypte de Notre-Dame-sous-Terre avec un temple d’Artémis païen de surcroît. Il pratiquait déjà ce qu’on appelle aujourd’hui le révisionnisme historique, axé sur la légitimité mérovingienne…

Gazette de Rennes-le-Château : Dans quel contexte, Pierre Plantard a-t-il rencontré Philippe de Chérisey ?

Jean-Luc Chaumeil : C’est assez nébuleux ! J’en ai reçu plusieurs versions. Ils se sont connus dans les années 50 et ils fouillèrent avec Gérard de Sède la cave de Monsieur Jacques Rouët à Gisors en 1962 (ndlr lettre jointe au livre p. 106).

Gazette de Rennes-le-Château : Le trio était très hétérogène ! Comment imaginer un tel groupe ?

Jean-Luc Chaumeil : Oh ! Cela s’explique aisément si on connaît leur passé…

Pierre Plantard était désargenté, vivait dans une mansarde, il fut conquis par les quartiers de noblesse de de Chérisey, ceux qui lui manquaient tant et qu’il se créa. De plus l’érudition de Philippe le fascinait.

Quant à de Chérisey, le renégat de la famille Vaudémont-Vaudressel, rejeté parce que saltimbanque, il régla ses comptes et trouva en Plantard le père dont il rêvait. Il s’affubla d’ailleurs dans les apocryphes du titre de noblesse de son père dans le but de le discréditer. Lui qui était comte se nomma le marquis de Chérisey ! Il voulait foutre en l’air la noblesse en créant une contre-noblesse !

Il manquait à ce duo infernal un écrivain, Gérard de Sède. Pour ce noble trotskyste, unique en son genre, c’était l’occasion de revenir à d’autres travaux que ceux des champs. Le porte-plume allait être emporté par la supercherie.

Et voilà ! le décor est planté, la partition à jouer !

Le dossier de Plantard

Gazette de Rennes-le-Château : Pierre Plantard avait constitué un énorme dossier sur l’affaire, paraît-il.

Jean-Luc Chaumeil : (Souriant) Et oui ! Surtout des documents, des articles glanés ici et là, il faisait feu de tout bois, suivait l’actualité via “Ici Paris” et d’autres canards du même tonneau, il écoutait aussi la radio. Pour être précis, le dossier comporte 1014 pages.

Gazette de Rennes-le-Château : Pierre Plantard a revendiqué la caution de sommités de son temps, par exemple Maurice Lecomte Moncharville.

Jean-Luc Chaumeil : Oui, mais il était surtout passé maître dans l’art de faire parler les morts. Il sortait des documents, des lettres, des faux bien évidemment, une fois la personne décédée. Personne ne pouvait le contredire.

Gazette de Rennes-le-Château : Dans “L’Or de Rennes”, Gérard de Sède détaille des disparitions mystérieuses liées à notre affaire, celle de Fakhar Ul Islam par exemple.

Jean-Luc Chaumeil : Pierre Plantard a même fait courir le bruit que la DGSE s’était intéressée à l’affaire et que les informations étaient fiables puisque transmises par mon père, membre de ce corps de police.

De nouveau Pierre Plantard désinforme ! Si mon père a enquêté sur cette affaire, c’est en qualité de commissaire principal de Melun. L’accident a eu lieu sur son territoire juridictionnel. De plus Fakhar Ul Islam était un trafiquant de drogues international. Il n’a donc aucun lien avec RLC mais Plantard est arrivé à ses fins puisque l’information est sortie dans la presse !

Les questions sur Pierre et Papier… agacent Jean-Luc Chaumeil !

Jean Luc Chaumeil dans au prieuré de Carennac
Jean-Luc Chaumeil au prieuré de Carennac – Johan Netchacovitch ©

Gazette de Rennes-le-Château : Venons-en à “Pierre et Papier”…

Jean-Luc Chaumeil : (Il n’attend pas la question) C’est Philippe qui a rédigé les parchemins et, dans ce livre, il s’en explique. Tout y est dit et je ne comprends pas ceux qui se posent encore des questions sur ce texte. Moi-même, j’ai déjà détaillé tout le contexte de la création du Prieuré de Sion. Lisez mes livres, mes articles, je ne vais point me répéter constamment !

Gazette de Rennes-le-Château : Jean-Luc, certes, vous avez été disert sur le sujet, plusieurs livres, des numéros spéciaux de revues, des articles. C’est d’ailleurs pour cela qu’une synthèse sera utile pour les internautes…

Jean-Luc Chaumeil : (Un silence) Bon, allez-y ! Je vous écoute !

Gazette de Rennes-le-Château : La quarantaine de pages de “Pierre et Papier” est assez nébuleuse. Philippe de Chérisey n’évite ni les répétitions, ni les approximations et, encore moins, les erreurs assez étonnantes pour quelqu’un qui a inventé les parchemins. L’éditeur Pégase a dû mentionner plusieurs fois en notes que de Chérisey confondait les deux parchemins dans ses explications. Je vous concède qu’il fait chaque fois la même mais ne s’est-il pas relu ? A-t-il rédigé cela d’un seul jet ? On a l’impression d’un brouillon alors qu’il vous avait demandé de publier son texte. On aurait pu supposer qu’il vous livre un produit fini !

Jean-Luc Chaumeil : Philippe était un poète, surréaliste de surcroît ! Il avait un sens aigu de la farce et de la satire. Que voulez-vous ! il s’exprime ici comme il s’est exprimé dans ses autres écrits en allusion, en décalage, en clin d’oeil. Il avait le souci constant d’épater la galerie, il se voulait illusionniste. Il a oeuvré en ce sens.

Gazette de Rennes-le-Château : Son style est très proche du roman “Livre à vendre”, écrit à quatre mains avec Roland Dubillard et publié chez Jean-Claude Simoën en 1977. La différence ne réside-t-elle pas dans le genre ? Ici un roman, là un essai !

Jean-Luc Chaumeil : (D’un ton péremptoire) Non, absolument pas ! Je vous répète qu’il jongle avec les mots et les idées. Philippe est un poète surréaliste, sa vie est basée sur les jeux de mots, l’humour. C’est son métier aussi !

Gazette de Rennes-le-Château : Donc, si nous vous comprenons bien, il ne faudrait pas chercher dans la deuxième partie de “Pierre à Papier”, celle consacrée à l’explication du texte “Bergère, pas de tentation…”, à vouloir tout interpréter ? Ce serait donc un texte surréaliste à prendre comme tel… N’est-ce point étrange pour quelqu’un qui voulait “démontrer enfin le mécanisme d’une assez bonne farce” (p. 78) ?

Jean-Luc Chaumeil : (Conciliant) Bon, je vais vous donner quelques explications… Philippe de Chérisey était un grand sentimental. Peu de personnes connaissent la tragédie qui s’est jouée sur une route de Rennes-les-Bains. C’est là qu’il a perdu son amour dans un accident de la route… Pour lui, le poète éploré, la phrase du codage du “Petit Parchemin”, “A DAGOBERT II ROI ET A SION EST CE TRESOR ET IL EST LA MORT”, n’évoque pas de l’or, des documents capitaux pour l’humanité, une révélation christique, que sais-je ! Non, Philippe de Chérisey rend hommage à son amie qui est “LÀ MORT(e)”. Que n’a-t-on glosé sur l’article ou l’adverbe… ! C’était l’adverbe qu’il fallait privilégier, mais pas de dépôt sacré, de caverne d’Ali Baba, non, un amour perdu à tout jamais.

Gazette de Rennes-le-Château : Mais il a fait aussi des recherches en compagnie de Pierre Plantard et de vous-même au Serbaïrou à Rennes-les-Bains.

Jean-Luc Chaumeil : Oui, mais son trésor, le trésor, c’était sa fiancée ! Il l’écrit d’ailleurs.

Gazette de Rennes-le-Château : En effet ! “… je connus ma Roseline qui mourut le 6 août 1967, fête de la Transfiguration, en franchissant le Méridien 0 en voiture.” (p. 108)

Gazette de Rennes-le-Château : L’essentiel des explications de de Chérisey concerne le “Grand Parchemin“. De nombreux passages sont nébuleux et…

Un Christ au Sacré Coeur  à Carennac
Un Christ au Sacré-Coeur – Johan Netchacovitch ©

Jean-Luc Chaumeil : (N’attendant pas la question) Mais il n’y a rien à comprendre, Philippe agit en surréaliste. Tous les passages que vous me citez ne doivent pas être décryptés, ils ne mènent à rien. Philippe s’est amusé à brouiller les pistes, à dire tout et son contraire, …

Gazette de Rennes-le-Château : Soit ! Mais de Chérisey écrit que “tant que les curieux pourront se procurer cet ancien numéro, je serai qu’un demi farceur (sic), c’est-à-dire l’héritier d’une farce lancée voici une soixantaine d’années” (p.100). Donc s’il ne parvient pas à convaincre le lecteur que le document Tisseyre, paru dans le Bulletin de la SESA en 1905, n’a jamais existé, son explication est caduque ! Il compte… sur la disparition de l’article à la suite de la publication de “Pierre et Papier” grâce aux “chercheurs” ! Donc, à ce moment-là, il veut publier son oeuvre rapidement. Rappelons qu’il l’a rédigée en 1970.

Jean-Luc Chaumeil : (Ne répondant pas à la question) Je vais vous révéler quelque chose… Le document Tisseyre est une invention. Ou, plus exactement, Tisseyre invente un relevé soi-disant réalisé en 1905 et le publie dans le Bulletin de la SESA. Grâce à cet article, il accrédite la présence de la pierre à cette époque dans le cimetière de Rennes-le-Château et couvre… un trafic de reliques et d’objets archéologiques qu’il a mis sur pied avec Bérenger Saunière. On ne pourra les taxer de vol pour une pierre encore recensée en 1905… !!!

Gazette de Rennes-le-Château : … Etrange comme explication. Surtout que le document Tisseyre a été publié dans “L’Or de Rennes” avec la référence de la SESA en 1967, c’est-à-dire TROIS ans avant la rédaction de “Pierre et Papier”. Les chercheurs ont eu tout le temps de vérifier… Quant à ce trafic, Tisseyre cite dans l’article plusieurs personnes… qui ne réagiront pas à ce mensonge !!!

Mais pourquoi expliquer et justifier cet extrait puisqu’il aurait suffi d’écrire ou de dire que de Chérisey avait tout à disposition en 1970 pour créer les parchemins…

Jean-Luc Chaumeil : (Continuant sur sa lancée) Oui, un scoop, vous dis-je ! Je dois ajouter que “Pierre et Papier” est annoté par Philippe de Chérisey mais que, pour des raisons d’édition, l’éditeur Pierre Jarnac des éditions Pégase ne les a pas reproduites.

Gazette de Rennes-le-Château : C’est dommage, cela aurait peut-être éclairé le document !

Jean-Luc Chaumeil : Oui, j’en ai fait part à l’éditeur mais, pour une meilleure lisibilité du document, il les a ôtées. (ndlr Jean-Luc Chaumeil a confirmé ses propos lors de deux entretiens téléphoniques de septembre et d’octobre 2006)

Gazette de Rennes-le-Château : Un problème sur les sources de de Chérisey a été soulevé par la découverte du texte d’origine du “Petit Parchemin”, le célèbre Codex Bezae. Il n’évoque jamais cette source unique.

Jean-Luc Chaumeil : Ah ! là, nous sommes au coeur du système Plantard-Chérisey !

Je ne vais pas encore reprendre ce que j’ai écrit sur vos forums mais certains ne veulent manifestement pas comprendre… C’est agaçant à la longue.

Pierre Plantard connaissait le livre de Fulcran Vigouroux et a fait en sorte que la paternité des parchemins soit attribuée à Philippe. Citer dom Cabrol était un leurre, une pirouette. Ce fut la même chose avec la revue “CIRCUIT” qui connut plusieurs moutures.

Je vous donne un autre exemple… Dans une interview que Philippe m’a accordée en 1973, il en donne l’origine : “…j’ai pris le texte antique en onciale à la Bibliothèque Nationale sur l’ouvrage de dom Cabrol, l’Archéologie chrétienne, casier C25”. Je m’y suis rendu et qu’ai-je trouvé dans le casier voisin à votre avis ?… Dans le casier B, le Fulcran Vigouroux. Voilà l’exemple par excellence des leurres et chausse-trapes du duo. Ils donnaient une information approximative, seul le curieux trouvait la véritable piste !!! J’affirme donc à la lumière de cet exemple que Pierre Plantard connaissait le manuscrit de Fulcran Vigouroux ! Et ceux qui ne l’admettent pas se fourvoient…

Fonctionnement interne du PS

Gazette de Rennes-le-Château : Parlez-nous de la manière dont le quatuor fonctionnait. Quelles étaient leurs relations ? Qui décidait ?

Jean-Luc Chaumeil : Pierre Plantard tirait les ficelles, régentait tout. Il nous donnait très souvent des informations partielles et souvent différentes. Cela attisait les tensions. Souvent je me suis rendu compte que je ne possédais pas toutes les informations pour exploiter une piste et que Philippe ou Gérard en avait reçu d’autres ! C’était ça le système Plantard. Le non-dit, l’allusion, une forme de mise en concurrence des protagonistes. La volonté aussi de garder la main mise sur tous !

Gazette de Rennes-le-Château : Cela a conduit le groupuscule à l’éclatement…

Jean-Luc Chaumeil : Et j’en fus le témoin privilégié. En 1981, Pierre Plantard a convoqué le Convent à Blois. Philippe l’apprend par la bande et constate son éviction… Là, j’ai eu la preuve de la supercherie. J’ai pisté Plantard. Au lieu de me rendre au pseudo-convent de Blois, je suis resté devant son domicile à Colombes. Il n’en est pas sorti le jour fixé, pas plus d’ailleurs que les jours précédents ou suivants…

Dès lors, la rupture était consommée. A telle enseigne qu’il ne s’est même pas rendu à l’enterrement de Philippe en 1985. Philippe était aussi le parrain d’un enfant de Plantard.

Gazette de Rennes-le-Château : L’arrivée des Anglais, Baigent, Leigh et Lincoln, auteurs de “L’Enigme sacrée” et du “Message” semble avoir accentué les tensions.

Jean-Luc Chaumeil : Tout à fait ! Philippe s’est retrouvé sur la touche avec l’arrivée du trio. Plantard a “créé” le Prieuré de Sion américain et entériné la scission avec le PS français. Mais j’ai toujours ressenti la présence de quelqu’un de très important derrière les trois anglo-saxons. Leur but était différent et visait la manipulation politique… Plantard a vite perdu pied, lui qui revendiquait une descendance mérovingienne, ils lui apportaient celle… du Christ !

Gazette de Rennes-le-Château : Jean-Luc, quand vous êtes-vous rendu compte de la fumisterie ?

Jean-Luc Chaumeil : Très vite ! Par intuition après cinq minutes… Pour le prouver, j’ai contre-enquêté. J’en étais certain en 1973 à la publication du numéro du “Charivari” sur le Prieuré de Sion.

Le mythe de Rennes-le-Château selon Jean-Luc Chaumeil

Gazette de Rennes-le-Château : Et que faut-il chercher aujourd’hui à Rennes-le-Château et dans sa proche région ?

Jean-Luc Chaumeil dans sa galerie d’art – Johan Netchacovitch ©

Jean-Luc Chaumeil : (Catégorique) Mais il n’y a jamais rien eu dans la région, que ce soit en 1900, en 1956, en 1967 ou en 2006 !!! Rennes-le-Château est un trou noir qui absorbe tous les atavismes, où chacun apporte ses idées et les y trouve assurément. A votre avis, pourquoi retrouve-t-on deux dizaines de fois le mot “miroir” dans le livre de Philippe ! Rennes-le-Château est un mythe et doit être appréhendé comme tel !

Allez un dernier scoop… Savez-vous que l’histoire ne devait pas s’arrêter à Rennes-le-Château ? Avant, il y avait eu le Mont Saint Michel, Gisors, Stenay (Nous vous conseillons l’étude sur la ville de Stenay ésotérique, ville du diable). D’autres sites auraient dû être visités ensuite. C’est pourquoi il vaut mieux étudier la nature du mythe et le transcender. Les Templiers, de retour de Jérusalem, ont transposé les toponymes locaux en fonction de la région d’où ils avaient été chassés. Ils ont dessiné des cartes. Le Verdon en est un bon exemple. Philippe de Chérisey a rencontré Alfred Weysen, chercheur et auteur de plusieurs livres sur le Verdon. Entre Belges, l’information a circulé. Philippe lui donna un document, la carte volée à Monsieur Fatin, mais Alfred Weysen l’appliqua au Verdon… L’histoire aurait pu recommencer là-bas…

Gazette de Rennes-le-Château : Vous conseillez donc à tous les passionnés de se chercher un autre loisir, aux commerçants de fermer boutique et aux webmasters leur site ?

Jean-Luc Chaumeil : (Nuancé) S’il n’y a pas de trésor de quelque nature que ce soit à trouver, chaque être humain peut y accomplir une quête personnelle, un ressourcement.

Gazette de Rennes-le-Château : Mais d’autres lieux sont aussi propices à une telle démarche ?

Jean-Luc Chaumeil : C’est vrai, je vous le concède.

Gazette de Rennes-le-Château : Si le trésor est absent, la quête réalisable ailleurs, vous avez malgré tout repéré un autre lieu dans le département de l’Aude !

Jean-Luc Chaumeil : Le seul digne d’intérêt ! C’est un endroit très proche de Limoux, REDA. Attention, pas un toponyme qui nous ramènerait à Rennes-le-Château, non, une colline sur les hauteurs de Limoux… Les recherches archéologiques devraient s’y concentrer.

Gazette de Rennes-le-Château : Quelle sera votre prochaine actualité littéraire ?

Jean-Luc Chaumeil : Je travaille depuis 20 ans sur Taillefer. Cela me plairait de finaliser ce livre ! J’ai aussi un abondant courrier en rapport avec le Prieuré de Sion.

Gazette de Rennes-le-Château : Cela aurait plu au public que vous le partagiez dans “Le testament”…

Jean-Luc Chaumeil : (Sibyllin) Mais cela viendra en son temps, cher Johan !

12 aout 2006, mise à jour 25 février 2023, Johan Netchacovitch ©

Découvrir les livres de Jean-Luc Chaumeil !

Jean-Luc Chaumeil interviewé par Mike Aldebaran le 8 février 2022

Début des années 70, Jean-Luc Chaumeil fouille au château de Taillefer, Il y vit un phénomène paranormal en voyant un Templier gigantesque sortir de la muraille… Il y contracte un intérêt pour les Templiers, et lit “Les Templiers sont parmi nous” de Gérard de Sède. Il s’immerge dans la cosmogonie, l’occultisme et les sciences parallèles.

Dès 18 ans, il est pigiste au Parisien Libéré, rencontre Daniel Réju, éditeur de L’Ere d’Aquarius et part en reportage avec lui, à Etretat notamment. Il lit Le Trésor maudit de Rennes-le-Château et le considère comme “une connerie”. Il rencontre Claude Jacquemart, rédacteur en chef de Charivari en 1971 et écrit un numéro spécial sur Rennes-le-Château, “Cela ne lui disait rien du tout”…

Nous sommes en 1968… Il relate son arrivée à Couiza, monte à pied à Rennes-le-Château où Henri Buthion l’accueille et le loge dans la villa Béthanie à la spartiate. Le lendemain, il se rend à Rennes-les-Bains pour un reportage photos. Il photographie l’église de Rennes-le-Château diable et bénitier, et mitraille littéralement l’intérieur. Il constate également de nombreux trous dans la cuisine et le domaine… Henri Buthion lui parle très peu de trésors mais, surtout, d’un lieu très sacré, l’histoire du messie, incarné par le prieuré de Sion.

Le 6 janvier 1971, il a son premier contact avec Pierre Plantard qui, selon lui, changeait souvent d’avis. Il a vérifié ses dires, s’est déplacé à différents endroits et “tout était faux” comme les informations fournies par Gérard de Sède. Jean-Luc Chaumeil trouve un lieu-dit Reda à Limoux et y voit la fameuse ville de 30000 habitants, et non pas à Rennes-le-Château… C’est “l’erreur monumentale” de Gérard de Sède. Il mène, dès lors, une “contre-enquête générale” où il conclut que “cette affaire n’était qu’une affaire surréaliste comme Gisors, comme Stenay”.

Il a interviewé aussi Robert Charroux (Trésors du monde, 1962) qui lui a dit qu’il n’y avait rien à Rennes-le-Château, même dans le cercueil du curé, Bérenger Saunière.. Il évoque les parchemins écrits en latin complètement différents de la version de de Sède (calques donné à la mairie). Jean-Luc Chaumeil doute donc aussi des parchemins que lui a remis Philippe de Chérisey. Pour le message crypté, il l’a composé à l’envers en partant du décodage bien connu : “Bergère pas de tentation…”. Mike Aldébaran évoque la création du Prieuré de Sion et Jean-Luc Chaumeil explique son enquête ainsi que la fumisterie de la création de Pierre Plantard où ils ne sont qu’une dizaine de personnes. Lire les deux interviews ci-dessus…


Jean-Luc Chaumeil interviewé sur la Table d’Isis par Mike Aldebaran le 29 octobre 2022

Dans son interview, Jean-Luc Chaumeil évoque La Table d’Isis ou le Secret de la Lumière, son voyage en Brocéliande avec Daniel Réju du magazine l’Ere d’Aquarius à l’église du Graal de l’abbé Gillard, l’influence de Geneviève Zaepffel en Brocéliande sur l’univers mental de Pierre Plantard (lire à ce propos la biographie du mentor de Pierre Plantard), et la symbolique du peintre Mucha dans la villa Béthanie de Rennes-le-Château.


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